Contre toute attente, les indices boursiers européens étaient à la hausse, hier, de même que l'euro, au lendemain de la victoire du parti de gauche Syriza en Grèce. Les investisseurs semblent croire que, malgré le programme farouchement anti-austérité du nouveau premier ministre, Alexis Tsipras, l'Europe va pouvoir éviter une nouvelle crise politico-financière.

Dans son discours de victoire, M. Tsipras a soutenu que la Grèce laissait «derrière elle l'austérité, la catastrophe, l'autoritarisme et l'humiliation». Les choses ne seront pas aussi simples lorsque les délégués grecs s'assoiront face aux représentants de l'Union européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international (la «troïka»), qui possèdent 80% de la dette du pays.

Hier, les dirigeants européens ont adopté un ton conciliant, se disant prêts à discuter avec le nouveau gouvernement. Pas question, cependant, d'effacer une partie de la dette, comme le réclame Syriza. Tout au plus évoque-t-on des accommodements mineurs. L'Europe et le FMI continueront certainement d'exiger la mise en oeuvre de réformes essentielles à l'assainissement des finances publiques et à une croissance durable.

Or, ce sont précisément ces conditions que rejette Syriza. La plateforme de Syriza prévoit un «plan de reconstruction nationale» entraînant des dépenses supplémentaires de 12 milliards d'euros (17 milliards en dollars canadiens). Alexis Tsipras a aussi promis d'annuler les changements les plus impopulaires imposés par le gouvernement précédent.

La «troïka» ne peut tout simplement pas donner le feu vert à une telle politique. Il est vrai que les conditions imposées aux quatre pays ayant eu recours à l'assistance financière de l'Europe et du FMI ont eu pour effet, à court terme, d'y aggraver la récession. Cependant, l'Irlande a repris le chemin de la croissance. Cela semble être le cas aussi du Portugal et de Chypre. Seule la Grèce s'est embourbée à ce point, notamment en raison de la lourdeur de l'administration publique et de l'inertie de son système économique. Quel que soit le parti au pouvoir, des réformes s'imposent.

Quoi qu'en dise Alexis Tsipras, l'Union européenne a déjà fait beaucoup pour aider la Grèce. Les prêts consentis, totalisant 240 milliards d'euros (335 milliards en dollars canadiens), ont été assortis de conditions avantageuses. Entre autres, une période de grâce de 10 ans a été accordée pendant laquelle l'État grec n'a pas à payer d'intérêts.

Confronté à ces réalités, comment réagira le jeune premier ministre? Ayant promis la fin de la «tutelle économique de la Grèce», comment s'y prendra-t-il pour convaincre la population (et ses propres députés) que l'austérité tant décriée est nécessaire? Une chose est sûre, la Grèce ne peut pas se permettre une période prolongée d'incertitude, encore moins une énième crise politique.