Bon, ça fait tout près de 373 ans que Montréal vit avec des tempêtes de neige chaque année. Ne soyons donc pas trop durs: la Ville apprendra, avec le temps, à mieux gérer le déneigement...

En attendant, eh bien, il faudra prendre son mal en patience. Car le rapport dévoilé hier par le contrôleur général révèle des problèmes à tous les échelons.

Denis Coderre et Luc Ferrandez avaient tout faux. Il n'y a pas un coupable, quelque part, qui «n'a pas fait sa job», comme l'a laissé entendre le maire. Et il n'y a pas eu de vague d'absentéisme sur le Plateau, de l'aveu même de l'arrondissement.

Le problème, dans ce cas? L'accumulation d'un bon nombre de problèmes.

Des problèmes petits et gros qui, mis ensemble, donnent l'impression que la première tempête de l'année était... la toute première tempête que traversait Montréal.

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Voilà un enjeu où la rapidité de réponse du maire s'est révélée salutaire. La tempête a sévi du 1er au 9 janvier. Les problèmes de déneigement ont suivi, de même que les plaintes des citoyens, par milliers.

Denis Coderre a aussitôt demandé une enquête. Puis, hier, à peine douze jours après les événements, un rapport détaillé des opérations était déposé en toute transparence, en plus d'une bonne douzaine de recommandations aussi ciblées que pertinentes.

Que conclut le contrôleur Alain Bond? Que le déneigement à Montréal est un immense fouillis.

Il note qu'il n'existe aucune norme en matière de déneigement et d'épandage. Il constate que des arrondissements suivent certains protocoles, mais pas d'autres. Il se désole de l'absence de dialogue et de partage entre les arrondissements.

Il précise également que des employés ne sont pas adéquatement formés. Il souligne que le choix d'abrasifs n'est pas toujours optimal. Il relève que le déglaçage des trottoirs prend 5 heures lorsqu'il est fait par le privé, mais 9 heures lorsqu'il est fait par les cols bleus. Il note que certaines chenillettes roulent trop vite pour épandre correctement les abrasifs.

Un fouillis, donc, qui a entraîné toutes sortes de problèmes lors de la tempête du début du mois. Huit arrondissements, par exemple, ont mis la priorité sur l'épandage d'abrasifs. Avec raison: les trottoirs étaient plus glissants que la patinoire du Centre Bell. Mais curieusement, onze arrondissements ont concentré leur attention sur la neige pour la ramasser vite, vite, vite.

Résultat: il n'y avait AUCUN employé disponible pour s'occuper des trottoirs. Car la plupart des arrondissements sont incapables de mener les deux opérations de front...

Autre observation: le déneigement n'a pu se faire à plein régime dans la plupart des secteurs de l'île. Il manquait d'employés dans certains arrondissements, mais surtout, il manquait d'équipements. Jusqu'à la moitié des camions d'épandage étaient stationnés dans le garage, bien au chaud, en attente de réparations. En plein mois de janvier!

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Vous allez me dire que la sévérité de la tempête était imprévisible, que les prévisions étaient inadéquates, que le cocktail météo a compliqué le travail des arrondissements.

C'est vrai. Mais on parle de Montréal, une ville qui a pratiquement inventé la météo imprévisible. Une ville qui est abonnée aux changements rapides de température. Et pourtant, le contrôleur note que la fréquence des mises à jour des bulletins météorologiques fournis aux arrondissements est «inadéquate» en cas de... changements rapides.

Lors de la tempête, les responsables du déneigement ont ainsi reçu un bulletin météo à 2h puis le suivant... à 10h. Mais pendant ces huit heures, la météo a joué au yoyo. Et aucun bulletin retouché n'a été envoyé, car des bulletins retouchés, ça n'existe pas.

Résultat: certains arrondissements ont envoyé sur la route de l'équipement complètement inadapté aux conditions pendant tout un quart de travail. En pleine tempête!

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Il n'y a pas de scandales dans tout ça, soyons clairs. Il n'y a pas d'incurie ou d'incompétence crasse dans la fonction publique non plus. Et il n'y a pas un coupable sur qui on peut jeter tout le blâme.

D'ailleurs, les citoyens ont aussi leur part de responsabilité dans ce fouillis. Le Plateau a dû remorquer pas moins de 1000 véhicules pendant le déneigement. Les citoyens de Montréal-Nord n'ont pas hésité à pelleter leur neige directement dans la rue. Les résidants de LaSalle l'ont entassée en plein sur les trottoirs. Tous ces facteurs ont passablement ralenti les opérations.

Bref, ce que souligne le contrôleur, c'est une «série de petits échecs», pour reprendre les mots du maire Coderre. Une multitude de grains, en quelque sorte, qui empêchent l'engrenage du déneigement de tourner rondement.

Je suis plutôt de nature décentralisatrice, mais dans le cas du déneigement, l'établissement d'une politique et d'une norme pour l'ensemble de l'île est manifestement nécessaire. Après tout, des tempêtes, il risque d'y en avoir d'autres à Montréal...