Les premières réactions à l'entente entre le gouvernement du Québec et la Caisse de dépôt et placement pour que celle-ci puisse financer et gérer de grands projets d'infrastructures publiques - on songe au système léger sur rail sur le futur pont Champlain et au train de l'Ouest - ont été, dans l'ensemble, assez positives.

En fait, cette idée est tellement simple, tellement logique, ses bénéfices semblent tellement évidents que ma première réaction a été de me demander pourquoi personne n'y a pensé avant.

Je parle ici du concept, du principe. À ce stade, ce n'est que de cela que nous pouvons parler. Le véritable succès de tels chantiers - ou leur échec - dépendra de la nature des projets envisagés, de leur montage financier, des paramètres définis par les partenaires, des choses sur lesquelles nous n'avons pour l'instant aucune idée.

Pour le Québec, l'intérêt de la chose est de se payer de grands travaux pour lesquels il n'a pas les moyens. Le niveau d'endettement de la province limite sa capacité d'investir dans les infrastructures dont elle a besoin. Souvenons-nous que les libéraux, en campagne électorale au printemps dernier, avaient promis de faire passer les investissements publics de 9,5 à 11 milliards par année. Le gouvernement Couillard a dû renier cette promesse et se résoudre à réduire le niveau des investissements publics pour ne pas trop gonfler la dette.

L'entente avec la Caisse, pour les deux projets envisagés, permettrait une injection de cinq milliards sans grossir cette dette. C'est souhaitable sur le plan macroéconomique, parce que la baisse des investissements publics touchait négativement la croissance. Ça impose aussi une discipline au gouvernement pour privilégier des projets qui tiennent la route et ne pas se disperser dans une surenchère du béton.

Ajoutons que ce cadre de travail ne constitue pas un tour de passe-passe comptable. Avec cette formule, le Québec ne s'endette pas, parce que ce serait la Caisse qui investirait avec ses fonds propres, qui serait maître d'oeuvre des projets et les gérerait. Une sorte de partenariat public-public, où le gouvernement fait appel à un partenaire extérieur sans susciter le tollé qu'aurait provoqué une entente avec une entreprise privée.

Pour la Caisse, cette formule ne sera bénéfique que si les projets que le gouvernement du Québec lui propose sont rentables, puisque sa mission première est de maximiser le rendement des fonds qui lui sont confiés. Mais on sait déjà que la Caisse a investi de façon importante dans des projets d'infrastructure dans d'autres provinces et d'autres pays, parce que ces investissements, tangibles, ne sont pas tributaires des fluctuations des marchés financiers et qu'ils procurent un flux de revenus.

L'entente permet donc à la Caisse de faire au Québec ce qu'elle faisait déjà ailleurs. Ce n'est que logique. Elle permet également à la Caisse de s'acquitter de son autre mandat, celui de contribuer au développement économique, en y injectant des milliards pour des projets utiles.

Bien sûr, ce projet soulève des questionnements assez évidents. Sur l'indépendance de la Caisse: en devenant partenaire du gouvernement, sera-t-elle capable de refuser les projets que lui soumet le pouvoir politique, se demande-t-on. Sur les tarifs des services de transports en commun qu'elle gérerait. Exigera-t-elle trop des usagers pour rentabiliser ses opérations, se demande-t-on aussi - un risque ténu dans le cadre d'un réseau de transport intégré. Je m'inquièterais plutôt du risque inverse que son statut de société d'État l'empêche d'obtenir les tarifs qui assurent la rentabilité.

Pour l'instant, ce sont des questions bien théoriques, qui relèvent davantage des conversations de salon. Ce n'est que quand les projets seront sur la table qu'on pourra déterminer leur pertinence, leurs coûts, leur rentabilité et leur capacité de bien servir les usagers. En attendant, on devrait applaudir à l'idée d'élargir la mission de la Caisse.