Le dénouement de trois jours de terreur en France ne signifie pas la fin de la crise. Deux menaces planent: l'amalgame - cette tentation de mettre tous les musulmans dans le panier de l'intégrisme - et le clivage, dont les cicatrices seraient longues à panser.

Les frères Chérif et Saïd Kouachi, présumés auteurs de la tuerie au Charlie Hebdo, et Amedy Coulibaly, qui serait responsable de la fusillade à Montrouge et de la prise d'otages meurtrière dans une épicerie, ont été abattus hier par les forces policières.

La semaine tragique qui se termine a consterné le peuple français et la communauté internationale. La douleur va s'estomper, mais les séquelles resteront gravées.

La solidarité est de mise. Céder au racisme serait une erreur, d'où le devoir de résister à la tentation de faire des associations par religion. Il ne faudrait pas oublier que l'une des victimes du Charlie Hebdo est Ahmed Merabet, un policier musulman froidement abattu en pleine rue.

Il faut aussi éviter la division. Insidieuse, elle prend d'abord la forme d'un sillon avant de se creuser jusqu'à devenir fossé si on n'y prend garde.

Le risque est réel. Pour preuve, ce cri du coeur d'une enseignante française, publié dans Le Point, hier. Dans une lettre, elle décrit son désarroi face aux réactions bigarrées de ses élèves, âgés à peine d'une dizaine d'années.

Elle relate le mépris, la provocation et l'incompréhension qui ont accueilli la minute de silence, tenue dans sa classe comme partout en France, à la mémoire des victimes.

«Pourquoi respecter une minute de silence pour des gens que je ne connaissais pas?» Dans cette question choquante d'un élève, on peut voir une provocation attribuable à la bravache de la jeunesse ou à une malheureuse méconnaissance des faits.

Mais comment réagir quand, au cours de la discussion qui suit, une élève musulmane affirme posément qu'il est normal de venger une insulte, faisant sien le discours entendu dans son entourage? La classe s'est scindée entre appui et réprobation et dans sa lettre, l'enseignante se désole de «la fracture que cet événement tragique a créée dans des classes d'habitude soudées».

Son inquiétude est légitime. Cette jeunesse est notre monde de demain. Nous devons éviter qu'elle grandisse dans l'animosité et la méfiance.

Les valeurs d'égalité, de fraternité et de liberté si chères à la France, ce concept d'une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, semblent aujourd'hui bien fragiles. Il ne faut pas y renoncer pour autant.

Que risquent de devenir de jeunes esprits s'ils sont formés dans la division? Le clivage ne peut mener qu'à l'intolérance et à la xénophobie. L'antidote pour contrer ces poisons est l'éducation - à la maison, à l'école et dans l'ensemble de la société. Une lourde tâche, mais combien nécessaire.