Certaines impressions (ou même appréhensions, dans ce cas) ont la vie dure. Comme celle voulant que le premier ministre Stephen Harper puisse devancer les élections, prévues par la loi le 19 octobre, et ce, malgré son engagement formel en fin d'année de ne pas convoquer les Canadiens aux urnes avant cette date.

Devant des sondages légèrement plus favorables aux conservateurs, à la fin de 2014, les libéraux de Justin Trudeau et les néo-démocrates de Thomas Mulcair ont décidé d'accélérer les préparatifs électoraux (nominations de candidats, financement, élaboration des programmes), inquiets de voir leur adversaire tenté de les prendre de vitesse au printemps.

Il s'agirait d'un pari risqué pour le premier ministre, mais comme la fin justifie très souvent les moyens en politique, mieux vaut être prêt. Stephen Harper, qui fêtera son neuvième anniversaire au pouvoir dans trois semaines, sait que l'histoire joue contre lui.

Au Canada, les électeurs gardent rarement leur gouvernement plus d'une décennie. Au cours des 50 dernières années, les gouvernements successifs (libéraux ou conservateurs) ont duré en moyenne 9,7 années (en excluant le gouvernement de Joe Clark, qui a duré... 9 mois). Autre fait historique défavorable aux conservateurs: les libéraux ont dirigé le Canada durant 30 des 50 dernières années. Il y a alternance, mais historiquement, les conservateurs prennent le pouvoir après un long règne libéral et ils restent au pouvoir moins longtemps.

Ça, c'est pour l'histoire. La réalité du Canada de 2015 pourrait toutefois avantager Stephen Harper, qui a prouvé qu'il peut prendre le pouvoir avec moins de 40% des voix et des gains minimaux au Québec.

Pour y arriver, les conservateurs ont toutefois besoin de la division du vote de centre gauche entre le PLC et le NPD, en particulier en Ontario. Ce scénario favorable aux conservateurs en 2011 se reproduira-t-il en 2015? Pour le moment, avec le NPD autour de 20% dans les intentions de vote, le balancier électoral semble pencher vers les libéraux.

Rien n'est joué, toutefois. Nous entrons dans une très longue campagne électorale qui s'annonce, permettez une prédiction facile, très dure.

Les conservateurs joueront la carte des surplus budgétaires et multiplieront les attaques contre le populaire Justin Trudeau. Thomas Mulcair, lui, doit frapper fort pour espérer remonter dans les intentions de vote.

Voilà qui est ironique: pour la première fois de son histoire, le NPD présente une véritable solution de rechange au gouvernement sortant et son chef, Thomas Mulcair, est de loin le meilleur aux Communes. Malgré tout, les néo-démocrates risquent de reculer gravement en 2015.

Duffy et Keystone

À surveiller aussi sur la scène fédérale en 2015: le procès du sénateur déchu Mike Duffy, prévu pour avril, et le sort du pipeline Keystone XL, qui doit relier le nord de l'Alberta aux États du golfe du Mexique.

L'affaire Duffy, contre qui pèsent 31 chefs d'accusation de fraude et de corruption, a de quoi inquiéter les conservateurs. Répudié par le Parti conservateur, Mike Duffy, qui a reçu une «aide» de 90 000$ de l'ex-chef de cabinet de M. Harper, a promis de ne pas couler seul. On verra si la santé chancelante de M. Duffy lui permettra de témoigner à son procès.

En ce début de 2015, tous les yeux se tourneront vers le Congrès américain, qui pourrait, à la faveur de la nouvelle majorité républicaine, voter pour la construction du pipeline Keystone, un projet cher au gouvernement Harper.

À suivre, au Québec

Si vous trouvez que l'ombre de Pierre Karl Péladeau a pesé lourdement que la scène politique québécoise en 2014, préparez-vous à une éclipse totale, surtout au mois de mai, point culminant de la course à la direction du Parti québécois.

Ses adversaires l'admettent eux-mêmes: PKP est largement en avance dans cette course et il sera difficile de l'attaquer de front sans froisser les militants convaincus d'avoir enfin trouvé le sauveur.

Comme si M. Péladeau n'était déjà pas assez visible, son mariage annoncé avec la populaire animatrice Julie Snyder, au printemps, provoquera cette fois un tsunami médiatique.

PKP est sans contredit le personnage politique le plus attendu de 2015, même si, pour le moment, on en sait très peu sur son programme politique. Le glamour et la «pipolisation» laisseront-ils un peu de place à la substance?

Charbonneau et négos

On l'a un peu oubliée en fin de 2014, mais elle reviendra en force ce printemps: la commission Charbonneau, dont le rapport final est attendu en avril (il ne serait pas surprenant, toutefois, que le dépôt soit repoussé en septembre).

Même si les audiences de la CEIC n'ont pas permis de trouver LA bombe que beaucoup attendaient, il est d'ores et déjà acquis que le PLQ et ses anciens dirigeants seront écorchés (le PQ aussi, mais dans une moindre mesure).

Autres fronts chauds au Québec en 2015: les négociations entre le gouvernement et la fonction publique et le grand brassage dans les commissions scolaires et le milieu de la santé.

On nous a promis un printemps agité, mais le gouvernement Couillard jouit de deux avantages cruciaux: la majorité et l'assentiment, du moins sur le fond, du PQ et de la CAQ.