En boxe, la catégorie des mi-lourds (175 lb) nous offre des jours intéressants, surtout parce que des boxeurs établis à Montréal y sont des pions importants à l'échelle mondiale.

Jean Pascal, Adonis Stevenson et Lucian Bute ont leurs légions de fans, et nous avons découvert les Bernard Hopkins, Tavaris Cloud, Carl Froch, Mikkel Kessler et, récemment, Sergey Kovalev...

Hopkins qui bat Pascal et s'incline devant Kovalev; Froch démolit Bute et se fait secouer par Kessler; Stevenson démolit Cloud... et Artur Beterbiev le bat aussi facilement.

Artur Beterbiev, 29 ans, le tout nouveau Montréalais, deux fois champion mondial chez les amateurs, deux fois médaillé olympique, à une victoire de l'or. Un boxeur de style classique, très droit, à l'européenne. Il a vaincu Kovalev chez les amateurs. «Il se sauvait de moi dans l'arène...»

Dans l'année 2015, il faudra compter avec ce Tchétchène.

Je l'ai rencontré il y a un an, peu après son arrivée. Il m'avait dit que tout allait bien, sauf qu'il s'ennuyait de sa famille. Il vit maintenant dans le West Island avec sa femme, ses trois enfants - la petite dernière, Sophie, est née à Montréal - et sa mère. Beterbiev a la paix dans l'âme et peut se concentrer sur son travail.

Dans un gymnase du nord de la ville, il comprend mes questions, un peu de français et un peu d'anglais, et sa gérante russe, Anna Reva, l'aide à trouver ses mots.

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Son entraîneur, Marc Ramsey, le décrit ainsi: «Je souhaite un boxeur comme lui à tout entraîneur. Il est très discipliné et sérieux. Il sait où il veut aller.

«Il est très intelligent. Il a fait des études universitaires en droit et en éducation physique. Quand je lui demande certains exercices, il me demande d'expliquer pourquoi...

«Il n'aime pas vraiment la boxe. Il ne regarde jamais les combats des autres, il étudie les vidéos des siens et ceux de ses adversaires, c'est tout. Il ne parle jamais de boxe, il refuse toujours de venir dans des galas au Centre Bell.

«Il n'aime pas vraiment se battre non plus. Il aime surtout s'entraîner.

«C'est avant tout un gars de famille. Il préfère rester à la maison.»

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Alors, la vie nord-américaine, M. Beterbiev...

«Je n'ai pas l'impression d'être en Amérique du Nord. Je vois plutôt un mélange d'Europe et d'Amérique.

«Il n'y a rien qui me surprend vraiment. C'est comme je l'avais imaginé. Même le climat est le même. Il fait un peu plus chaud ici.

«J'aime bien voir des gens de diverses cultures vivre en paix. Je trouve ça très beau.»

La Tchétchénie, c'est autre chose, évidemment. Le pays a été déchiré par une guerre sale et sans pitié...

«Je n'ai pas grandi dans la rue... Il y avait des problèmes, mais mes parents voyaient à ce que les enfants - trois garçons - soient en sécurité et ne manquent de rien.

«Notre village, Khasavojust, est un peu à l'écart de tout. On voyait passer des avions et des hélicoptères au-dessus de nos têtes, mais nous n'avons jamais été bombardés. Nous avons accueilli beaucoup de réfugiés. Il y avait toujours des femmes et des enfants dans notre maison. Des gens qui avaient tout perdu.»

Côté bouffe, Artur ne «refuse jamais un plat de pasta».

«Comme viande, je préfère le veau. Mais je ne mange pas ce que je veux, je mange ce qui est bon pour ma condition physique.

«Mon père est mort et lorsque ma mère est arrivée à Montréal, j'ai pris un peu de poids. Ça lui a fait plaisir.»

Et Artur nous donne la recette du zhizhik galinch, plat national tchétchène. Pensez à des dumplings, des boules de pâtes farcies de viande, d'ail, d'oignon, selon ses goûts. Servis dans un bouillon.

«Tous les Tchétchènes aiment ce plat. Nous avons une tradition: après un mariage, la mariée doit préparer le zhizhik galinch pour prouver qu'elle sera une bonne épouse.»

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Anna Reva accompagne et veille sur la carrière de Beterbiev en Amérique. Artur lui apporte une chaise pour qu'elle s'installe avec nous.

Elle le voit comme un «gros nounours avec des enfants qui lui sautent dessus».

«C'est un homme très doux et poli. Mais avant un combat, dans son vestiaire, il devient une autre personne. C'est fascinant. Il ne voit plus personne ni rien autour de lui.»

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Après sa victoire en moins de deux rounds contre Tavaris Cloud, Beterbiev, entouré de son clan très excité, avait parlé d'une «journée de travail assez facile».

À son entraîneur Ramsey: «Tu m'avais dit qu'il était bon.»

Alors... Stevenson, Pascal, Froch, Kovalev... Lequel est le plus coriace?

«Je ne veux pas les classer. Pour moi, ils sont tous des adversaires, et la boxe est très imprévisible. Tout peut arriver.»

Que penses-tu du dernier combat de Jean Pascal?

«Je n'ai rien compris, Pascal voulait se battre, et l'autre, je ne sais pas ce qu'il faisait là.

«Je ne connais pas encore très bien le milieu de la boxe professionnelle. Je connais seulement les gens de Montréal et, jusqu'ici, pour moi, tout est correct.»

Beterbiev se battra vendredi prochain au vieux Colisée de Québec. Son adversaire sera une jeune vedette montante des États-Unis, Jeff Page (15-0-0, 10 K.-O.).

Beterbiev sera le favori, mais... la boxe est très imprévisible.