À la fin de la dernière campagne électorale, Philippe Couillard avait expliqué à un petit groupe de journalistes le principe, en chirurgie, résumé par cette expression anglaise: See one, do one, teach one.

En français: t'en vois une (opération), tu en fais une, tu l'enseignes. Pas très rassurant pour les patients, je trouve. À moins que le jeune chirurgien soit un surdoué qui apprend très, très vite, ce qu'était, dit-on, Philippe Couillard à ses débuts en neurochirurgie.

Ses débuts au poste de premier ministre sont un peu plus laborieux. Cette première vraie session parlementaire complète du gouvernement Couillard aura plutôt été marquée par une série d'essais-erreurs, par des ballons politiques plus ou moins bien gonflés et par des revirements spectaculaires par rapport aux engagements électoraux du printemps dernier.

Évidemment, on retiendra surtout la décision du gouvernement de hausser les frais de garde en CPE en fonction des revenus des parents. En campagne électorale, le PLQ s'engageait plutôt à annuler la hausse de deux dollars par jour décidée par le gouvernement Marois et de s'en tenir à l'indexation, afin d'éviter un «choc tarifaire» aux familles.

Démasqués, les libéraux se sont défendus en affirmant qu'ils ne connaissaient pas l'ampleur réelle du déficit avant de prendre le pouvoir. Le premier ministre Couillard avait toutefois le portrait financier en main, en mai, lorsqu'il a promis de nouveau, dans son discours d'ouverture, de limiter la hausse des tarifs en les indexant simplement au coût de la vie. Une grosse tache sur la nappe blanche du nouveau gouvernement.

Autre raté: la décision incompréhensible du ministère de l'Environnement d'accorder un certificat d'autorisation à TransCanada pour son projet de port pétrolier à Cacouna dans... une pouponnière de bélugas. Cela a valu au ministre David Heurtel de sérieuses remontrances de la Cour supérieure du Québec. Le projet semble maintenant mort (après la publication d'un rapport classant les bélugas dans la catégorie «en voie de disparition»), mais Québec a réalisé bien tardivement l'importance de protéger les bélugas du Saint-Laurent.

Parlant d'essais, mais surtout d'erreurs, quelques nominations au Conseil des ministres font encore beaucoup jaser à Québec, huit mois après la formation du gouvernement Couillard.

Francine Charbonneau, ministre de la Famille, embarrasse ses propres collègues lorsqu'elle tente péniblement d'expliquer les positons du gouvernement.

Lise Thériault non plus n'a pas particulièrement brillé cet automne, semblant même complètement dépassée par les évasions spectaculaires de détenus.

Et puis, le préféré des partis de l'opposition. Yves Bolduc, le ministre de l'Éducation, qui a déclaré que les enfants ne meurent pas du manque de livres dans les bibliothèques scolaires. La preuve est faite, aussi, que les déclarations ridicules ne tuent pas les ministres. M. Bolduc a aussi renouvelé le permis à une école juive religieuse jugée illégale par son propre ministère, en plus, on s'en souviendra, d'avoir dû remettre une partie de sa prime touchée de façon douteuse après avoir pris 1500 patients sous son aile, tout en étant député de l'opposition.

À la Santé, le nouveau ministre Gaétan Barrette a réussi à négocier l'étalement des augmentations de rémunération qu'il avait lui-même obtenues du précédent gouvernement lorsqu'il était président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

On verra s'il aura autant de succès dans sa réforme du réseau de la Santé, mais chose certaine, le ministre Barrette ne fait pas dans la dentelle. Avec Yves Bolduc à la Santé, c'était la «méthode Toyota». Avec Gaétan Barrette, c'est la «méthode Hummer».

Aux Affaires municipales, Pierre Moreau s'en est fort bien tiré, servi par son expérience et un contexte favorable, disons-le. C'est plus facile lorsque les partis de l'opposition sont d'accord avec le gouvernement sur le fond et les objectifs.

Le trio économique, enfin, composé du ministre des Finances, Carlos Leitao, du président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, et de leur collègue à l'Économie, Jacques Daoust (moins visible que les deux autres).

L'enthousiasme avec lequel MM. Leitao et Coiteux coupent dans les dépenses a de quoi inquiéter les contribuables et, surtout, les fonctionnaires et les gestionnaires de réseaux publics, mais pour le moment, ils remplissent le mandat que leur a confié le premier ministre.

Et Philippe Couillard? Visiblement, il a décidé de laisser ses principaux ministres occuper le devant la scène (et prendre les coups). Je ne me souviens pas d'avoir vu, à Québec, un premier ministre aussi effacé. Peut-être qu'il attend la fin des mauvaises nouvelles pour reprendre plus de place?

PKP omniprésent

Du côté des partis de l'opposition, un seul député a monopolisé presque toute l'attention: Pierre Karl Péladeau, bien sûr. Visiblement, le personnage fascine et son entrée officielle dans la course à la direction du Parti québécois a fait ombrage sur tout le reste au cours de cette dernière session. La dernière journée a d'ailleurs été marquée, hier, par une décision du commissaire à l'éthique, qui juge que PKP a contrevenu au code d'éthique de l'Assemblée nationale.

La course à la succession de Pauline Marois et les premiers échanges entre les aspirants chefs ont relégué le travail d'opposition des députés du PQ au deuxième rang des faits marquants de cette session.

Cela risque de reprendre de plus belle au retour à l'Assemblée nationale, en février, puisque tous les péquistes seront concentrés sur le choix du prochain chef, en mai.

Profitant de l'espace laissé vacant par des péquistes dissipés, le chef de la CAQ, François Legault, a pris plus de place, tentant de se positionner comme le champion de la classe moyenne.

L'arrivée de PKP, toutefois, dérange profondément François Legault, qui sait très bien qu'une remontée du PQ est nécessairement néfaste à son parti.

L'élection de PKP à la tête du PQ serait une mauvaise nouvelle pour la CAQ. S'il fallait, en plus, que Gérard Deltell quitte l'Assemblée nationale pour se présenter pour les conservateurs de Stephen Harper, en octobre dans Louis-Saint-Laurent...