Il y a deux façons de combattre les politiques budgétaires du gouvernement Couillard. La première consiste à descendre dans la rue et de dénoncer les compressions avec des pancartes. La seconde, éminemment préférable, consiste à mener un débat d'idées pour tenter de démontrer que l'austérité n'est pas nécessaire.

C'est cette voie qu'a empruntée l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques, l'IRIS, un groupe de recherche de gauche, avec une étude, publiée cette semaine, affirmant que la dette québécoise n'est pas alarmante. Cette étude s'attaque à la logique du gouvernement Couillard, et celle du gouvernement Marois, qui consiste à vouloir ramener rapidement le déficit à zéro pour ne pas gonfler la dette. Si on démontre que la dette ne pose pas problème, on démontre aussi qu'on n'a pas besoin d'austérité.

Ce négationnisme est très populaire dans la mouvance de gauche, de Québec solidaire au FRAPRU, en passant par les syndicats du secteur public. Mais c'est aussi la thèse de Pierre Karl Péladeau, maintenant candidat à la direction du PQ, qui a même cité cette étude de l'IRIS pour dénoncer l'austérité libérale, dans une hallucinante métamorphose idéologique. Ça, c'est plus inquiétant.

Les principales conclusions de l'étude reposent sur des comparaisons internationales de l'endettement, en appliquant au Québec la mesure utilisée par l'OCDE, celle des engagements bruts. «Le Québec est moins endetté que la majorité des pays de l'OCDE», affirme-t-elle, «dans une situation très avantageuse face à la plupart des pays de l'OCDE. En 2013, le Québec se trouve en 15e position, soit parmi les États les moins endettés des 20 États choisis.»

C'est une véritable sottise. Pour arriver à cette conclusion, l'IRIS compare la dette du Québec, une province, aux dettes publiques totales des pays de l'OCDE, par exemple, pour les É.-U., la dette fédérale et celle de tous les États! En comparant ainsi des melons et des raisins, le Québec, avec des engagements bruts de 57,5%, fait bonne figure. Mais ça ne veut rien dire.

Pour vraiment comparer la situation réelle du Québec à celle d'autres pays, il faut tenir compte de la part de la dette fédérale qui lui est attribuable et qu'incidemment, il devrait prendre en charge s'il devenait indépendant. L'IRIS a fait le calcul, mais à reculons, en qualifiant bêtement l'opération d'«illégitime».

Le Québec se retrouve alors avec des engagements bruts équivalant à 94,8% de son PIB. Il est en milieu de peloton. Loin derrière les pays en situation dramatique - Japon, 224,2%, Italie, 144%, Portugal, 140%, Espagne, 126,2%. Mais il passe aussi derrière les pays les plus malmenés par la crise dont la dette a explosé - France 110,4%, USA, 110,0%, Royaume-Uni 109,2%.

Enfin, le Québec est plus endetté que les pays qui vont bien - Canada 92,9%, Pays-Bas 77,0%, Allemagne, 81,4%, Finlande, 65,3%, Danemark, 57,7%, Suède, 44,7%, Suisse, 43,3%, Nouvelle-Zélande, 41,6%, Norvège, 35,5%, Australie, 33,0%.

Il faut ajouter à cela le fait que le Québec est, de loin, la province la plus endettée au Canada, avec une dette brute de 53,6% du PIB, assez loin devant l'Ontario, 44%, et toutes les autres provinces, où elle est inférieure à 40%. Le Québec ne fait pas non plus partie des sociétés qui, si elles le veulent, peuvent facilement réduire leur dette, comme le Canada avec ses surplus ou les États-Unis avec son assiette fiscale inexploitée.

Le Québec n'est pas au bord du gouffre. Son endettement est élevé, mais la situation est gérable, à condition qu'on s'en occupe. Mais la conséquence du discours consistant à dire que la situation du Québec n'est pas alarmante, qu'elle est «avantageuse», c'est de cautionner un relâchement de la pression. Si on met la pédale douce, l'endettement du Québec va augmenter. Et là, on sera dans la merde.