Le maire répète depuis des semaines que 2015 sera l'année du transport en commun et du développement économique. Une très bonne chose.

Mais après avoir parcouru le budget 2015, déposé hier, on a envie de citer Yvon Deschamps: «On veut pas le savoir, on veut le voir...»

Le budget de fonctionnement est le document qui ouvre la voie aux actions et décisions de la prochaine année. Le maire se garde une marge de manoeuvre, mais il annonce ainsi ses couleurs pour les 12 prochains mois.

Il investira dans les infrastructures, victimes d'un cruel sous-financement. Il préparera les festivités du 375e, malgré les nuages noirs de l'austérité. Il continuera de réduire les dépenses, mais sans toucher aux budgets alloués au déneigement, aux nids-de-poule et à la sécurité.

Quant aux deux priorités du maire, le transport en commun et le développement économique, elles ont droit à des hausses de budget. Mais pas autant que le méritent des «priorités prioritaires», mettons...

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La volonté de miser davantage sur le transport collectif est une excellente nouvelle. Surtout après avoir balayé l'enjeu sous le tapis l'an dernier.

La Ville a ainsi annoncé, hier, qu'elle augmentait sa contribution à la Société de transport de Montréal de 25 millions, pour atteindre 409 millions.

C'est bien, mais loin d'être assez. On annule, essentiellement, la réduction budgétaire de l'an dernier, qui avait forcé la STM à réduire ses services pour la première fois en 10 ans. On ramène donc les budgets passés de la Société de transport... au moment où la demande et l'achalandage explosent!

Je sais bien que les budgets consacrés au transport en commun ne viennent pas de la cuisse de Jupiter (hélas). Je sais aussi que le maire a annoncé le maintien du BIXI. Et je sais que le budget est en mode compression.

Mais n'aurait-il pas été raisonnable de verser à la STM et à l'AMT les recettes des taxes censées, justement, être réservées au transport en commun? À tout le moins.

L'organisme Transit a calculé que l'ensemble des revenus issus de la taxe sur le stationnement et de la surtaxe à l'immatriculation totalise 58 millions. Versés là où on avait promis qu'ils seraient versés, ces montants feraient gonfler la contribution de la Ville à 450 millions, une hausse de 40 millions.

«Ces mesures ont été votées, à l'époque, pour financer le développement des services de transports collectifs, précise Florence Junca-Adenot, professeure à l'UQAM. Or, le budget de la Ville n'en alloue qu'une partie, ce qui force la STM à réduire son offre de services depuis 2013.»

Et à augmenter, par le fait même, ses tarifs chaque année. Après avoir essuyé pendant 10 ans des hausses atteignant 50%, les usagers verront le tarif mensuel bondir à 82$ et le passage simple, à 3,25$.

Je n'ose imaginer si le transport en commun n'était pas une priorité.

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La seconde «priorité prioritaire», selon le maire, c'est le développement économique. Un autre bon choix, une autre belle intention pour la prochaine année. Mais là encore, on ne saisit pas l'importance que le maire dit y accorder.

Au cours des derniers mois, la Ville a créé un tout nouveau service du développement économique. Le maire a nommé un directeur de calibre. Et il a annoncé sa volonté de revoir le rôle des Corporations de développement économique communautaire (CDEC) et des Centres locaux d'emploi (CLD).

Mais pour faire quoi au juste? Et avec quel argent?

Il n'y a dans le budget aucun montant supplémentaire pour le développement économique. OK, on ajoute 2 millions au programme Réussir@Montréal, mais ce n'est pas tout à fait ce qui va permettre à la métropole de concurrencer New York...

Que la Ville s'occupe des grands projets et du centre-ville, fort bien. Surtout quand on sait que les deux tiers des projets de plus de 100 millions actuellement en chantier sont des hôpitaux. Quand on sait, aussi, à quel point a été mal géré le développement de Griffintown. On voit là la nécessité d'interventions cohérentes venant d'en haut.

Mais la ville ne se développera pas uniquement par grands chantiers. Il lui faut aussi un développement local, une touche Montréal que lui donnent justement les CDEC et les CLD. Ils sont ancrés dans leur milieu, liés aux acteurs locaux, présents sur le terrain.

Je vois mal la grande Ville plancher sur des ateliers d'artistes abordables, des coops, des petits projets culturels, des entreprises non traditionnelles et des commerces possédant quelques pieds carrés. Surtout sans argent supplémentaire.

Mais de tout ça, malheureusement, pas un mot dans le budget. On répète que le développement économique est une priorité, comme le transport en commun est une priorité. Le maire a certes précisé hier que des actions seront posées, que des crédits additionnels seront investis, qu'une attention particulière sera portée à ces enjeux.

Mais on veut pas le savoir, on veut le voir...