Quarante-trois étudiants, anonymes hier encore, sont devenus aujourd'hui le visage d'une difformité qui balafre le Mexique : celle de la corruption et de la violence qui sont devenus la normalité.

Ils s'appellent Miguel, Victor, José, Jesus. Ils voulaient devenir professeurs. Ils étudiaient dans une école reconnue pour ses idées contestataires dans l'État du Guerrero, un milieu pauvre et rural.

Le 26 septembre, ils se sont rendus à Iguala pour manifester et amasser des fonds. Ils ont été interceptés sur le chemin du retour par des policiers locaux et des hommes non identifiés. On ne les a jamais revus.

Le ministre de la Justice a confirmé vendredi qu'ils ont vraisemblablement été assassinés ; des narcotrafiquants ont avoué avoir brûlé leurs corps et jeté leurs restes dans une rivière.

Ce qui semble être un massacre orchestré par les dirigeants d'un cartel de la drogue avec la complicité d'élus locaux est la pointe de l'iceberg.

Un récent rapport d'Amnistie internationale indique que les cas de torture ont augmenté de 600 % au Mexique au cours de la dernière décennie. Quelque 22 000 personnes sont portées disparues, dont la moitié depuis l'arrivée au pouvoir du président Enrique Peña Nieto, en décembre 2012.

Les organismes de défense des droits de la personne dénoncent la négligence des autorités mexicaines à enquêter sur les disparitions. La corruption gangrène un système auquel la population ne fait plus confiance. Le crime organisé n'est pas le seul en cause. C'est tout le système politico-légal qui est à changer.

En avril dernier, dans un rapport présenté à l'ONU, le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Christof Heyns, indiquait que « le droit à la vie est gravement menacé au Mexique et la lutte contre cette situation devrait être une priorité absolue au niveau national. »

Le président Peña Nieto, qui vit sa pire crise depuis son accession à la présidence, avait pourtant promis d'améliorer la situation. Il est vrai qu'il a entrepris une réforme économique qui lui a valu des éloges sur la scène internationale. Qu'en est-il du reste ?

Certains ont qualifié la disparition des 43 étudiants de « la nuit la plus noire de l'histoire du Mexique ». D'autres ont fait un parallèle avec le massacre de Tlatelolco, le 2 octobre 1968. Lors d'un rassemblement, des dizaines d'étudiants avaient été tués par l'armée, d'autres avaient été arrêtés, interrogés et torturés, tandis qu'une centaine d'autres avaient carrément disparu.

« Nous les voulons vivants », continuent de crier aujourd'hui les proches des disparus. Leur espoir sera probablement vain, mais leurs cris ne doivent pas s'éteindre pour autant. Ils doivent servir de catalyseurs afin que la corruption et la violence ne fassent plus partie intégrante du quotidien, et ce, même si le chemin promet d'être long avant d'y parvenir.