Peut-on se l'avouer? On a un petit côté passif, au Québec.

On attend souvent que les idées, les projets, les services descendent à nous. On attend que la ville, les organisations, les élus répondent à nos besoins, comme si l'implication citoyenne se résumait à payer ses taxes.

Cette attitude n'est pas spécifique aux contribuables, remarquez. Les entreprises, les gens d'affaires, les membres de Québec inc. ont, eux aussi, ce petit côté attentiste. Ils tiennent pour acquis que les actions, les investissements, les gestes à portée collective émaneront d'en haut plutôt que de leurs propres rangs.

C'est le cas partout dans la province, mais c'est plus évident à Montréal. Citoyens et entrepreneurs ne se demandent pas ce qu'ils peuvent faire pour la métropole, mais comment la métropole peut en faire plus pour eux.

Est-ce que le problème de Montréal, il ne serait pas là?

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En février dernier, le banquier Jacques Ménard a dévoilé une étude fascinante qui visait à comprendre comment Boston, Melbourne, Philadelphie et quatre autres villes ayant connu des années sombres ont su rebondir.

En décortiquant leurs stratégies de relance, les chercheurs ont réalisé que Montréal avait autant sinon plus d'atouts que ces métropoles en plein élan. Un centre-ville fort. Des créneaux porteurs. Des entreprises qui se démarquent. De nombreux instituts de haut savoir.

Montréal réunit donc toutes les conditions de relance qui ont fait le succès de ces villes, selon l'étude, sauf une: la mobilisation de la communauté.

Un dur constat qui a poussé Jacques Ménard à la réflexion. Si le constat est que la relance n'est possible qu'avec une plus grande implication civique, il ne peut se contenter de publier son rapport et attendre que la communauté se réveille, comme par magie.

Il doit, au contraire, s'en servir pour impulser cette mobilisation des citoyens et des gens d'affaires, sur le terrain, avec des projets concrets, émanant d'en bas plutôt que d'en haut. Sans quoi il confirmerait par l'absurde la conclusion de l'étude...

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Montréal vivra un important moment de son histoire, dans une semaine jour pour jour.

Lundi prochain, en effet, plus d'un millier de personnes de tous horizons se réuniront à la Place des Arts pour l'événement Je vois Mtl. Des chefs d'entreprises, des citoyens, des professionnels, des entrepreneurs, des créatifs, des hommes, des femmes, des vieux, des jeunes.

Cet antisommet, c'est la réponse de Jacques Ménard et de Michel Leblanc, de la Chambre de commerce de Montréal, à la conclusion du rapport, à cette cruelle absence de mobilisation, d'implication et d'initiative des citoyens et des gens d'affaires.

Je vois Mtl vise donc une seule chose: permettre à la communauté de se prendre en main. Enfin.

Les leaders présents à l'événement déposeront donc une centaine de projets, concrets, réalisables, accompagnés d'un plan de financement. Ils les présenteront, les décortiqueront, les regarderont sous toutes leurs coutures.

Il y aura de tout, du plus petit au plus grandiose. Louis Vachon, de la Banque Nationale, proposera un parcours créatif d'oeuvres et d'installations le long de l'itinéraire séparant l'aéroport du centre-ville. Alexandre Taillefer défendra sa mutuelle de taxis électriques. Et Lorraine Pintal proposera d'intégrer une oeuvre d'art à la Sainte-Catherine, face au TNM.

D'autres leaders défendront leurs projets d'apiculture urbaine, de soccer de rue en aide aux itinérants, de couverture WiFi du Quartier des spectacles, de musée du rock'n'roll.

Ils proposeront des parcours de découverte dans les quartiers, des programmes d'échanges pour artistes, des fresques pour couvrir la Métropolitaine.

Puis à la fin de la journée, les projets qui auront passé l'épreuve des échanges et critiques seront regroupés. Les leaders qui les auront défendus signeront alors, de leur main, un engagement exceptionnel: les réaliser.

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Ce n'est pas la première fois que Montréal a droit à une grand-messe. Pensons seulement au Sommet de Montréal de 2002. Mais ce sont habituellement des événements consensuels, dirigés par le maire, qui se terminent par l'élaboration d'une longue liste de voeux pieux. La différence, cette fois: l'événement est organisé par la communauté, pour la communauté. Une première.

«On a fait l'inverse de ce qui a toujours été fait, explique Félix-Antoine Joli-Coeur, chef de projet de Je vois Mtl. Plutôt que de dresser une liste de projets puis attendre qu'ils se fassent, on a demandé aux leaders de proposer des projets et de s'engager à les réaliser. Pas un seul n'a refusé.»

L'événement s'appelle «Je vois Mtl» pour témoigner de son caractère concret, immédiat. On n'en est plus à «rêver» ou à «imaginer» Montréal en 2025, on en est à «voir» concrètement ce dont est capable la métropole, tout de suite.

À une semaine de l'événement, quelque 200 projets ont ainsi été déposés sur la plateforme jevoismtl.com. Une mobilisation sans précédent, selon Jacques Ménard, qui démontre que les citoyens et les gens d'affaires sont capables de s'impliquer dans leur communauté. Pour leur communauté.