Une étude affirmait au début de la semaine que des mesures pour réduire notre consommation de produits pétroliers auraient des effets très bénéfiques pour le Québec. Sur une période de cinq ans, ces politiques produiraient des retombées de 19,7 milliards et permettraient la création de 130 000 emplois directs et indirects.

Le raisonnement de cette étude, produite par le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec, repose sur le fait que la totalité des produits pétroliers que nous consommons, surtout pour le transport, est importée. Cela provoque une sortie d'argent considérable. En 2013, les importations de produits pétroliers ont atteint 20,6 milliards. En réduisant notre dépendance au pétrole, on réduit ces importations, et cela dégage des dollars qui seront dépensés pour autre chose, souvent pour des biens et des services produits au Québec.

Les chiffres de l'étude sont un peu gonflés. Par exemple, les 130 000 emplois sont obtenus en additionnant la création d'emplois de chaque année. En fait, au bout de cinq ans, si on atteint l'objectif proposé, une réduction de la consommation de 12% créerait plutôt 33 000 emplois de plus en 2020. Et les retombées, pour cette année-là, seraient de 5 milliards. Par ailleurs, l'étude ne tient pas compte des coûts des mesures de réduction de la consommation, comme le développement du transport en commun.

Mais le raisonnement général est tout à fait juste. L'étude montre à quel point il est souhaitable de réduire notre dépendance au pétrole. Elle propose une approche qui la réduira de 12%, avec un mécanisme de bonus-malus, un système de punition et de récompense en fonction de la consommation d'un véhicule et la promotion des véhicules électriques, deux mesures qui contribueront à réduire la consommation, et le développement du transport en commun pour enrayer la croissance du parc des véhicules.

Consommer moins de produits pétroliers est certainement, et de loin, la meilleure façon d'abaisser nos importations de pétrole, à cause de ses bienfaits environnementaux. Mais il faut poursuivre le raisonnement.

Si une baisse de la consommation de 12% permet des retombées significatives et des emplois additionnels, imaginons les impacts d'une réduction des importations de 50%, de 75% ou de 100%. Deux autres approches nous permettraient d'aller encore plus loin dans la réduction de notre dépendance au pétrole étranger.

La première, c'est de produire le pétrole nous-mêmes, au lieu de l'acheter à l'étranger. Les gains économiques seraient encore plus grands, parce que non seulement l'argent ne quitterait pas nos frontières, mais la production engendrerait des investissements, des emplois, et des revenus fiscaux significatifs. Les exemples de l'Alberta, de l'Écosse ou de la Norvège montrent à quel point le fait de posséder du pétrole, s'il est exploitable de façon acceptable, peut être bénéfique à une société.

Ensuite, on peut consommer du pétrole canadien plutôt que du pétrole importé. Les retombées sont moins grandes que pour la production locale, mais l'industrie pétrolière de l'Ouest génère de l'activité économique ici, elle procure des revenus fiscaux dont nous profitons, et elle a un impact d'ensemble sur l'économie canadienne dont nous faisons partie.

Il y a un problème avec les sables bitumineux. Mais le Québec aura plus de chances d'infléchir les politiques environnementales canadiennes en achetant du pétrole albertain plutôt qu'en le boycottant. D'autant plus que nos fournisseurs alternatifs sont l'Algérie, l'Angola et le Nigeria.

Bref, je me sers des chiffres d'un organisme environnemental pour démontrer que ce n'est pas une bonne idée de fermer la porte au pétrole canadien et à l'éventuelle production québécoise. Et surtout, dans le contexte où les débats sont vifs autour des projets de pipelines, du port de Cacouna, de l'île d'Anticosti, pour rappeler qu'il n'est pas contradictoire de vouloir à la fois réduire notre consommation de pétrole et de vouloir aussi exploiter celui que nous avons peut-être.