Il suffit de lire les journaux ou d'écouter les bulletins de nouvelles pour s'en rendre compte. La liste des dossiers chauds liés aux politiques de redressement des finances publiques du gouvernement Couillard s'allonge de jour en jour.

Depuis vendredi, juste dans La Presse, on a parlé de la résistance des employés municipaux à la loi qui modifierait leurs régimes de retraite et de leurs moyens d'action, comme le ralentissement des pompiers, des mesures envisagées par les commissions scolaires pour réduire la baisse de leurs subventions, ce qui a donné autant d'articles sur les frais d'utilisation, la fin de l'aide aux devoirs, ou celle du soutien au repas, les fonds insuffisants pour les besoins d'infrastructures pour les écoles, du bras de fer avec les médecins sur l'étalement de leurs revenus, les premières rencontres avec les dirigeants des centrales syndicales pour préparer de difficiles négociations, de la modulation des frais de garderie qui a suscité une levée de boucliers à gauche, au nom de l'universalité, et à droite au nom des contribuables, ainsi que du financement du 375e de Montréal.

Tout cela en cinq jours.

Et dans tous ces cas, ceux qui dénoncent les intentions gouvernementales ont des arguments valables: le respect des ententes négociées pour les médecins ou les employés municipaux, le principe de l'universalité, le sous-financement universitaire, les effets d'une détérioration des services aux écoliers. Sans oublier les cas où les mesures envisagées par Québec ne tiennent pas la route. Ajoutez les réflexes «pas dans ma cour». Ajoutez aussi la dimension idéologique, avec une gauche qui voudrait faire payer les riches et une droite qui voudrait couper dans l'aide sociale. Bref, la cacophonie.

On ne s'en sortira pas si on continue de regarder les arbres un à un, au lieu de regarder la forêt. Quand on analyse les mesures d'austérité une par une, il y a toujours de bonnes raisons pour dire non. Ces mesures n'ont de sens que lorsque l'on tient compte de la situation d'ensemble, un déficit structurel qui ne s'en va pas, une dette qui augmentera, et une situation de crise qui sera bien pire dans quelques années que celle que nous vivons actuellement si nous ne faisons rien maintenant.

Cela s'explique en bonne partie par le fait que nous sommes rendus à un stade où, d'une politique d'austérité à l'autre, la plupart des dépenses vraiment inutiles ont été éliminées au fil des ans. Il y a beaucoup moins de gras. On ne peut plus trouver des centaines de millions dans l'administration sans que cela paraisse. Parfois, on pourra faire plus avec moins de ressources en repensant les façons de faire, mais ce sont des processus qui exigent du temps.

Bien sûr, il reste du gaspillage, une limousine par-ci par-là, des abus qui font les manchettes, mais dont l'impact financier est en général mineur. Ces situations ont cependant une forte valeur symbolique et perpétuent l'idée qu'un gros ménage permettrait de ne pas toucher à l'essentiel.

Nous sommes arrivés au stade où les efforts pour réduire les dépenses de trois milliards par année ont des impacts, soit qu'ils touchent les services, soit qu'ils forcent les gens à payer plus cher, soit qu'ils affectent les conditions de travail des employés de l'État, soit qu'ils ont des conséquences pour les entreprises et les organismes qui comptent sur l'aide de l'État.

Il est facile de dénoncer, une à une, des mesures qui seront toujours impopulaires pour quelqu'un quelque part. Mais la maturité, dans le débat public, reposera sur notre capacité de toujours inscrire ces gestes dans leur contexte, de ne pas perdre de vue la priorité, celle de redonner à l'État québécois la santé financière dont il a besoin et d'assurer la pérennité des missions essentielles de l'État.