Au moment où le ministre québécois de la Santé, Gaétan Barrette, pressait les médecins d'accepter rapidement un étalement de leurs hausses salariales, l'Institut canadien d'information sur la santé publiait, la semaine dernière, ses statistiques sur les médecins et leur rémunération.

Le hasard fait bien les choses, ou du moins, il sert bien le gouvernement Couillard. Car ces chiffres indiquent que le rattrapage de la rémunération des médecins québécois s'est bien amorcé depuis la signature de leur entente avec le gouvernement québécois en 2009, assez pour que l'idée d'étaler sur une plus longue période les hausses prévues ne soit pas déraisonnable.

Les hausses obtenues par les fédérations médicales étaient légitimes. Elles cherchaient à corriger un déséquilibre - le fait que les médecins québécois étaient les moins payés au Canada - et à ramener les rémunérations des médecins de la province dans la moyenne du pays.

Entre 2008-2009 et 2012-2013, les paiements moyens aux médecins québécois sont ainsi passés de 225,667$ à 279,206$, une hausse de 21,9% en quatre ans, environ le double d'ailleurs au Canada. Tant et si bien que les médecins québécois ne sont plus en queue de peloton. Le Québec est maintenant au cinquième rang, derrière l'Ontario, la Saskatchewan, l'Alberta et le Manitoba. L'écart qui sépare le Québec de la moyenne canadienne, 328,067$, est de 15%, exactement l'écart de niveau de vie entre le Québec et le Canada. Il y a donc progrès.

Il faut également tenir compte du fait que toute la question d'une juste rémunération des médecins repose sur une anomalie. Les salaires des médecins sont plus élevés au Canada que dans la plupart des pays européens riches parce qu'ils sont aspirés vers le haut par les très fortes rémunérations consenties aux États-Unis. On assiste donc à un jeu de vases communicants pour éviter un exode. Le Québec est forcé de tenir compte de ce contexte, quoique la pression est moins forte en raison de la plus petite mobilité des médecins francophones.

On doit également noter une autre tendance. L'an dernier, la rémunération des médecins a baissé dans quatre provinces riches, soit l'Ontario, l'Alberta, le Manitoba et la Colombie-Britannique. Cela annonce peut-être un changement de direction qui rendra moins long le chemin du rattrapage.

Ces données globales ne permettent pas de saisir toutes les nuances nécessaires pour établir une juste rémunération. Par exemple, le revenu des médecins québécois reste proche de celui des provinces maritimes, et est 32% moins élevé que celui des médecins ontariens, dont le système de santé est similaire au nôtre, par sa taille et sa complexité. Mais disons que les médecins québécois sont maintenant dans une zone de confort, assez pour accepter le petit effort qu'on leur demande.

Or, la crainte des médecins n'est pas seulement salariale. En campagne électorale, le premier ministre Philippe Couillard avait promis de ne pas toucher à leur rémunération. «Je ne reviens pas sur la signature de l'État. Moi, je respecte les institutions. L'État québécois a signé».

En revenant sur une promesse électorale et un engagement de l'État, le gouvernement Couillard crée un précédent qui peut faire craindre aux fédérations médicales qu'on finisse par abandonner le principe du rattrapage avec le reste du Canada. D'autant plus que les médecins ont fait les frais des politiques d'austérité dans le passé, parce qu'il fallait d'abord serrer la vis à ces hauts salariés avant de demander des sacrifices aux autres employés de l'État. Une pratique qui est à l'origine du retard salarial.

Mais le fait que le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, ait été celui qui a négocié cette entente pour les médecins spécialistes devrait rassurer. Tout comme le fait que le gouvernement Couillard peut vraiment invoquer un cas de force majeure, soit l'impact sur nos finances publiques de la pire crise financière depuis trois quarts de siècle.