Peu de Québécois s'intéressent à la vie politique des autres provinces du Canada. Or, il arrive que ce qui se passe là-bas revête une grande importance pour l'ensemble du pays, y compris le Québec. C'est le cas de l'élection samedi dernier de l'ancien ministre fédéral Jim Prentice à la tête du Parti conservateur de l'Alberta. Dans quelques jours, M. Prentice prêtera serment comme premier ministre.

Malgré la richesse pétrolière de la province, de grands défis attendent M. Prentice. Le pétrole albertain se vend au rabais en raison de la saturation des oléoducs pour le transporter vers les raffineries des États-Unis. L'oléoduc Keystone XL devait régler ce problème mais, comme on le sait, le président Barack Obama tarde à en approuver la construction.

L'industrie planche sur d'autres projets de pipelines qui permettraient aux producteurs albertains d'accéder à de nouveaux marchés, soit l'est du pays (Québec, Nouveau-Brunswick), soit l'Asie (en particulier la Chine). Toutefois, ces projets, en particulier deux oléoducs devant traverser la Colombie-Britannique, font face à une vive opposition de la part des écologistes et des Autochtones.

L'opposition est forte parce que l'exploitation des sables bitumineux cause d'importants dommages à l'environnement et parce que ni le gouvernement provincial ni le fédéral n'ont montré une volonté réelle de réduire ces dégâts. Pendant sa campagne à la direction, M. Prentice a fait de l'environnement l'une de ses cinq priorités. « Si nous sommes sérieux lorsque nous prétendons devenir un leader mondial dans le domaine de l'énergie, nous devons aussi devenir un leader mondial en environnement », a-t-il soutenu. Mais le futur premier ministre a également promis de ne pas « nuire à la compétitivité de l'industrie du pétrole et du gaz en lui imposant unilatéralement des coûts et des règlements. »

Comment le chef conservateur réconciliera-t-il ces deux objectifs contradictoires ? On l'ignore. On sait cependant que M. Prentice est proche de l'industrie pétrolière, un fait illustré par le choix d'un ancien PDG d'Imperial Oil à la tête de son équipe de transition. Une chose est sûre : si l'Alberta n'accepte pas d'améliorer sa performance environnementale, les sables bitumineux continueront d'avoir mauvaise presse, ce qui pourrait avoir de graves conséquences sur l'économie de la province.

Comme avocat, puis comme ministre des Affaires indiennes, Jim Prentice s'est acquis une certaine crédibilité auprès des Premières Nations. Néanmoins, les communautés autochtones de Colombie-Britannique doutent qu'il parvienne à trouver un terrain d'entente entre elles et les promoteurs des projets de pipelines.

La tâche de Jim Prentice sera rendue plus ardue par le mécontentement populaire à l'égard du Parti conservateur albertain, au pouvoir depuis 43 ans et récemment miné par divers scandales. Il lui reste un an et demi pour faire tourner le vent avant les élections du printemps 2016.