Que fera le Québec de ses surplus d'électricité ? Doit-il continuer à augmenter sa production ? Doit-il utiliser ses surplus pour l'exportation ou plutôt pour attirer des entreprises ? Ce sont toutes là des questions majeures pour l'avenir énergétique et économique du Québec. Des questions pour lesquelles, hélas, nous n'avons pas toutes les réponses.

Le gouvernement du Québec avait certes lancé, dans l'intermède un peu dément où les questions énergétiques étaient entre les mains de la ministre Martine Ouellette, une commission d'enquête sur l'avenir énergétique du Québec. Mais le processus était tellement biaisé à l'avance que le rapport s'est retrouvé sur une tablette. L'exercice est à recommencer.

C'est un peu ce qu'a fait à voix haute le premier ministre Philippe Couillard, cette semaine, lors d'une visite au New Hampshire. En réponse à un journaliste qui lui demandait s'il fallait, en raison de l'importance des surplus d'électricité, abandonner les prochains projets hydroélectriques, les phases 3 et 4 de la Romaine, le premier ministre a dit que cela « va faire partie de nos réflexions ».

Il ne faisait qu'énoncer un principe de bonne gestion qui consiste à n'écarter aucune hypothèse avant de prendre une décision. Mais notre culture politique ne tolère pas ce genre de spéculation, et les propos du premier ministre ont donc été interprétés comme une remise en cause de ces projets et les précisions qu'il a dû apporter par la suite comme une rétractation.

Pourtant, on devrait savoir que le secteur de l'énergie n'est plus un monde de certitudes. Le marché énergétique a été chamboulé par l'apparition du gaz de schiste, qui a fait chuter les prix de l'énergie aux États-Unis, et donc les prix auxquels Hydro-Québec peut exporter chez nos voisins du sud. Assez pour que la commission d'enquête mandatée par le précédent gouvernement ait proposé de stopper tous les nouveaux projets de production électrique.

C'était une recommandation simpliste, parce qu'il faut faire preuve d'une grande humilité dans les prévisions énergétiques. Il y a cinq ans à peine, personne ne voyait venir la révolution du gaz de schiste. L'automne dernier, personne n'avait prévu que l'hiver glacial ferait grimper les prix de l'électricité aux États-Unis. Comment prévoir ce qui se passera quand on construit un barrage pour cent ans ?

Oui, Hydro-Québec dispose de surplus, mais il y a un potentiel pour leur utilisation. Les marchés d'exportation ne seront pas toujours affligés par des prix très bas. L'électricité constitue aussi un levier pour le développement économique, et il faut s'en servir. À condition de faire reposer les choix sur une base rationnelle, notamment par une connaissance plus fine des coûts et des bénéfices des subventions aux entreprises - versées à travers des tarifs avantageux - , ce qui n'a jamais été fait de façon satisfaisante. Et à condition de respecter l'intégrité d'Hydro-Québec, qui a souvent fait les frais des décisions trop politiques.

On ne sait pas non plus quel sera l'impact des efforts pour réduire l'utilisation du pétrole sur la consommation énergétique, sur la consommation tout court, sur le transport, sur l'aménagement du territoire. Mais on sait déjà que notre énergie propre nous confère un avantage indéniable.

Il y a une foule d'autres orientations à préciser. Qu'est ce qu'on fait avec l'éolien ? Est-ce qu'on maintient les politiques de bas prix, qui sont des subventions à la consommation ? Est-ce qu'on doit aussi penser en termes est-ouest, comme le suggère Équiterre, et développer les exportations vers l'Ontario, qui devra bientôt remettre à neuf à fort prix ses installations nucléaires ?

Bref, il y a beaucoup d'enjeux, pas simples, que le ministre Pierre Arcand devra aborder dans la politique énergétique promise par son gouvernement. Mais on sait que le Québec, dans ce domaine, a beaucoup plus d'atouts que de problèmes.