La proclamation d'un califat - un état islamique - sur un vaste territoire de l'Irak et de la Syrie illustre l'ampleur de l'échec de la démocratie dans ce qui est devenu une véritable poudrière. La menace est inquiétante et ce serait une erreur de la prendre à la légère.

Après avoir effectué une percée fulgurante à la mi-juin et pris le contrôle de Mossoul, deuxième ville en importance de l'Irak, l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), un groupe terroriste considéré plus radical qu'Al-Qaïda, s'est désigné un calife dimanche.

Ce dernier dénouement témoigne des échecs successifs et des erreurs commises en Irak.

Les troupes américaines se sont retirées du pays en décembre 2011, après huit années de guerre et d'occupation qui ont coûté 800 milliards de dollars. Plus de 4400 militaires américains y ont laissé leur vie, tout comme des dizaines de milliers de civils irakiens.

Bagdad voudrait que Washington envoie de nouveau des troupes, mais l'administration Obama résiste. Une majorité de la population américaine l'appuie. Les vétérans qui ont combattu en Irak ont quant à eux l'impression que leurs sacrifices ont été vains.

L'invasion lancée en 2003 par l'administration Bush contre Saddam Hussein est une aberration en soi pour un nombre croissant d'Américains. La prémisse était fausse, l'Irak ne possédait pas d'armes de destruction massive.

Huit ans plus tard, quand Washington a retiré ses troupes, le pays semblait stabilisé. Ce n'était qu'illusion. La reconstruction a échoué lamentablement. Le régime politique montre de grandes faiblesses et les Irakiens en souffrent.

Le dictateur Saddam Hussein est tombé. Il s'avère que le dirigeant qui l'a remplacé, et que Washington a contribué à mettre en place, a poursuivi une culture sectaire.

Le premier ministre Nouri Al-Maliki, un chiite, a peu à peu écarté les sunnites et les Kurdes du pouvoir, même ceux qui étaient initialement ses alliés. Ses méthodes ont contribué à forger le ressentiment d'une part de la population, et permis à l'EIIL de progresser rapidement dans le pays en recueillant la sympathie et l'appui de certains sunnites.

Aux élections d'avril, Al-Maliki a obtenu le plus de sièges, mais il a besoin des autres formations pour obtenir la majorité et le droit de gouverner. Malgré des appels pressants - surtout de Washington - pour former un gouvernement d'union qui lutterait contre les insurgés, le premier ministre se fait tirer l'oreille.

Il a démontré au cours des derniers jours des signes d'ouverture. Le Parlement doit se réunir aujourd'hui, mais on peut se demander s'il n'est pas trop tard.

Des milliers de réfugiés ont été chassés de leurs foyers. L'Irak est depuis longtemps divisé entre sunnites, chiites et Kurdes, au point où une partition définitive n'est pas à exclure.

L'EIIL est organisé, bien financé et recrute partout, même en Occident. Les djihadistes affichent leur puissance de l'Irak à la Syrie et souhaitent étendre leur emprise aux pays voisins. Qui les arrêtera ?

Ces militants radicaux font peser une menace sur la région, mais aussi sur le reste du monde. Une menace réelle sur laquelle personne ne peut fermer les yeux. Les États-Unis ne sont pas les seuls concernés.

QUI EST L'EIIL ?

L'État islamique en Irak et au Levant, qui se fait désormais appeler « l'État islamique », est un groupe sunnite radical qui s'est dissocié d'Al Qaïda. Il est dirigé par Abou Bakr Al-Baghdadi, qui s'est autoproclamé calife. Sous un modèle hérité du Moyen-Âge, le calife est considéré comme l'émir des croyants depuis la mort de Mahomet, ce qui signifie que tous les musulmans du monde lui doivent allégeance. Présent en Syrie et en Irak, l'EIIL veut imposer une version très sévère de la loi islamique. Le groupe fait régner un régime de terreur, usant de torture, d'enlèvements et d'exécutions sommaires.