Dans une allocution prononcée à l'occasion de la Fête nationale du Québec, le premier ministre Philippe Couillard a soutenu que conjuguer l'identité québécoise avec une diversité croissante est «le défi du siècle». M. Couillard a raison. Et ce défi n'est pas propre au Québec; il se pose à un très grand nombre de pays.

Au fil des années, les migrations internationales n'ont cessé de croître, de sorte que presque partout, une part croissante de la population est née à l'étranger. Entre 2000 et 2013, le nombre de migrants dans le monde a augmenté de 57 millions. La majorité des immigrants accueillis par des pays riches viennent de pays en voie de développement. Ils sont porteurs de langues, de traditions et de religions très différentes de celles de la majorité. Les tensions sont inévitables.

Comptant parmi les pays qui reçoivent le plus d'immigrants, le Canada est forcément l'un de ceux où la diversité ethnique, culturelle et religieuse est particulièrement présente. Selon les projections de Statistique Canada, d'ici 2031, la proportion de Canadiens nés à l'étranger passera de 20% à plus de 25%. Le nombre de fidèles de confessions religieuses autres que chrétiennes doublera, de 2,5 millions à 6 millions.

Le Québec, notamment la région de Montréal, verra son visage continuer à changer. D'ici 15 ans, les personnes de minorités visibles composeront le tiers de la population de la région métropolitaine. Plus de 540 000 musulmans, 60 000 bouddhistes, 55 000 hindous et 30 000 sikhs y vivront.

Le Canada a jusqu'ici échappé à la radicalisation xénophobe qu'on observe ailleurs, bien que le Québec ait frôlé cette zone sombre au cours des débats sur les accommodements raisonnables et la «charte des valeurs». Si les Québécois de souche canadienne-française finissent par avoir la confiance en eux que justifient leurs réussites, ils pourront continuer d'accueillir la différence avec ouverture et respect. Les nouveaux venus ne demandent pas mieux que de s'intégrer à une majorité prospère, originale et sereine.

Au Québec comme ailleurs, des gens souhaitent qu'on règle une fois pour toutes le «problème» de la diversité. Ils rêvent d'une loi décrétant qu'«à Rome, on fait comme les Romains.» Pourtant, l'histoire et l'actualité enseignent qu'il n'y a pas de solution simple, que les relations entre majorité et minorités restent toujours délicates. Des communautés ayant vécu en paix pendant des décennies, des siècles même, peuvent en venir brusquement aux disputes, à la rupture, voire à la guerre.

C'est pourquoi, partout et en tout temps, les politiciens ont le devoir de combattre les préjugés au lieu de les cautionner à des fins partisanes. Les démocraties relèveront le défi du siècle seulement si ceux qui les gouvernent font preuve de discernement et de courage.