La semaine dernière, le gouvernement libéral, revenant sur un engagement électoral de Philippe Couillard, a mis fin à une entente qui liait l'Hôpital du Sacré-Coeur à une clinique privée, RocklandMD, où ses chirurgiens effectuaient des chirurgies d'un jour.

D'où sont venus les applaudissements? Des médecins? Non, ils sont découragés. Des patients? Non plus, ils n'ont pas été consultés, comme d'habitude. Ils sont venus de la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN.

La décision surprise n'a pas vraiment été expliquée. Et ce que l'on peut soupçonner, c'est que si on met fin à un système qui donnait de bons résultats, ce n'est pas pour améliorer la santé des gens, mais pour maintenir l'intégrité du système et son périmètre public. La santé a perdu. Le système a gagné.

Cette préoccupation est omniprésente dans le monde de la santé. On l'a vu lundi quand se déroulait à Laval le «premier rendez-vous national sur l'avenir du système public de santé et de services sociaux», qui réunissait la CSN et l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux (AQESSS). Les syndicats et les directions d'établissement ont un intérêt commun dans la préservation du caractère public du système, pour protéger leurs fesses; les premiers pour que les jobs restent dans le giron syndical, les seconds, pour conserver leurs subventions et se prémunir contre la concurrence.

L'idée de ce colloque me semble même indécente. Ce qui importe, ce n'est pas l'avenir du système public de santé, mais celui du système de santé tout court. La priorité, c'est de préserver la gratuité et l'universalité, mais d'améliorer la qualité, l'accessibilité et la justice du système, pas de savoir qui fait quoi ou encore, comme dans le cas de RocklandMD, où on le fait.

RocklandMD, c'était en principe un projet-pilote, lancé quand M. Couillard était ministre de la Santé. La clinique fournit les salles et le personnel, mais ce sont les chirurgiens de Sacré-Coeur qui opèrent. Pour les patients, c'est gratuit, et ça respecte les listes d'attente. Mais il n'y a jamais eu d'analyse. On a plutôt eu droit à une croisade, sous le règne de Yves Bolduc et ensuite du rigide Réjean Hébert, qui a mis fin à l'expérience, parce qu'il voulait «colmater les brèches».

Un des problèmes, c'est que, comme le système de santé ne connaît pas ses coûts, il était difficile de savoir si l'expérience était fructueuse. Elle l'était certainement du côté de la prestation des soins, puisque l'entente a permis 13 000 opérations depuis 2006, une réduction des listes d'attente et, aussi, une élimination du bumping, pratique odieuse de nos hôpitaux qui consiste à repousser à la dernière minute les dates des interventions. Pour coiffer le tout, on apprenait ce printemps qu'une analyse plus fouillée montrait que les opérations coûtaient moins cher à RocklandMD qu'à Sacré-Coeur: 2456 contre 2679$.

Tant et si bien que Philippe Couillard, en campagne, s'était engagé à maintenir le projet. Mais son ministre de la santé Gaétan Barrette vient d'y mettre fin. Pourquoi? L'explication est vague et ne semble pas reposer sur une analyse fouillée. On parle surtout du fait qu'il y a de la place dans d'autres hôpitaux, ce qui semble indiquer qu'on a surtout voulu protéger le périmètre public. Cela ne nous dit rien sur les coûts, les délais, les risques de bumping, la capacité d'innovation organisationnelle.

C'est inquiétant, parce que si le gouvernement Couillard a «choké» sur un dossier si simple, on se demande où il trouvera le courage pour se lancer dans les réformes profondes dont on aura besoin. Et encore une fois, il faut se demander si on a d'abord pensé au bien-être des patients.