La rue Sainte-Catherine est unique, historique, mythique. Mais pour combien de temps encore?

Elle est révolue, l'époque où il fallait se rendre sur cette grande artère pour voir un bon film, bien manger, magasiner. La banlieue offre presque tout ce que l'on y retrouve, avec, en plus, des mers de stationnements gratuits.

Prenez les enseignes prestigieuses qui faisaient jadis la fierté de la Sainte-Cat. Elles ne sont plus exclusives. La Maison Birks a ouvert une succursale au DIX30, Holt Renfrew a fait de même avec son antenne HR2 et Apple s'est installé d'abord en banlieue, ensuite au centre-ville.

Plus évocateur encore, les nouvelles enseignes d'importance ne voient même plus la nécessité d'avoir pignon sur la rue Sainte-Catherine. Pourquoi payer un tel loyer, semblent s'être demandé Williams-Sonoma et Crate&Barrel, quand on peut tout bonnement s'installer à Laval...

Qui les blâmera? Certainement pas les consommateurs de l'île qui sont presque aussi nombreux que les banlieusards à magasiner au Carrefour Laval et au DIX30...

Si bien qu'aujourd'hui, la Sainte-Catherine a beau conserver un certain dynamisme, on ne peut miser sur sa simple réputation pour espérer qu'elle survive. Il faut, au contraire, profiter de sa réfection à venir, annoncée mardi par le maire Coderre, pour lui insuffler une nouvelle valeur ajoutée, seule façon d'attirer à la fois les Montréalais et les banlieusards.

Mais pour cela, il faut répondre au principal défaut de cette artère commerciale. Il faut briser le tabou...

***

Ce n'est peut-être pas politically correct de le dire, mais l'unique élément qui manque à la Catherine pour rivaliser avec le DIX30 et le Carrefour Laval, c'est le stationnement. Du stationnement fluide, facilement accessible, à toute heure du jour.

Oui, le centre-ville est bien desservi par le métro. Oui, on peut s'y rendre à vélo, en BIXI, en taxi et en autopartage. Mais il faut se mettre la tête dans le sable pour ne pas voir que dans la région, 70% des déplacements se font en auto.

Dure réalité: les Montréalais de Pierrefonds et de Pointe-aux-Trembles n'iront pas sur la Sainte-Catherine en métro, les résidants de Beaconsfield et de Mont-Royal ne prendront pas le train pour magasiner au centre-ville, les gens de Brossard et de Terrebonne ne sauteront pas dans le bus pour assister à un concert à la Maison symphonique.

Plate de même.

Il est là, le problème de la Sainte-Catherine et du centre-ville en général. Un problème qu'on ne veut pas voir, un problème qu'on feint d'ignorer, comme l'a prouvé l'aménagement de la place des Festivals.

On a conçu une place fort invitante... mais on n'a rien fait pour en assurer l'accès autrement qu'en métro! S'y rendre en auto est un véritable cauchemar!

Comprenez-moi bien, c'était une excellente idée d'expurger le coeur du Quartier des spectacles de voitures, d'en piétonniser les contours, d'en accroître la convivialité pour les cyclistes. Mais il aurait fallu, aussi, améliorer l'accès et le stationnement tout autour, comme on le voit dans les grandes villes européennes. Leur centre historique est souvent libre de voitures, mais il est habituellement bordé de stationnements propres et étagés.

Bref, ce n'est pas parce qu'on empêche les autos de circuler dans un périmètre donné qu'il faut les empêcher d'en approcher!

***

La piétonnisation de la rue Sainte-Catherine, telle que défendue par le maire Coderre, est prometteuse. À première vue, cette idée a le potentiel d'être le grand coup qui redonnerait une valeur ajoutée à cette grande artère, sans se lancer dans un projet intéressant, mais trop coûteux comme le tramway (à ce sujet, lire le dernier billet sur mon blogue).

En augmentant l'espace accordé aux piétons, comme New York l'a fait à Times Square, on pourrait en effet transformer la Sainte-Cat en un lieu convivial où il fait bon marcher, pour magasiner, se divertir, après le bureau, le jour, le soir, la semaine et le week-end.

Pour ce faire, il faut réduire la place de la voiture. Il faut éliminer le stationnement de surface. Il faut donner bien plus d'espace aux piétons et aux cyclistes qu'on a osé le faire sur le boulevard Saint-Laurent.

Mais de grâce, évitons de refaire le coup de la place des Festivals. Évitons de créer un bel aménagement déconnecté de la ville et de la mobilité qui l'entoure.

Rappelons-nous que plus de 50% de la population de la région habite à l'extérieur de l'île de Montréal. Qu'une partie significative des résidants de l'île réside à bonne distance du métro. Et qu'une portion non négligeable des gens qui magasinent préfèrent le faire en auto.

Qu'on le veuille ou non, la piétonnisation de l'artère devra s'accompagner d'un réseau de stationnements, souterrains idéalement, gratuits avec achats si possible, servant à rabattre les consommateurs qui risqueraient ainsi d'être moins tentés par une journée enfermée dans un centre commercial, davantage par une journée en plein air sur une artère vraiment unique.