Si l'on en croit la députée péquiste Agnès Maltais, le Québec traverse une «crise», à la suite de l'évasion de trois détenus de l'établissement de détention d'Orsainville, à Québec. Sans vouloir minimiser la gravité de cet événement, il nous semble très exagéré de parler d'une crise. Cependant, le comportement frénétique des députés de l'Assemblée nationale et des gérants d'estrade médiatiques donnent l'impression, en effet, que toute la population québécoise est en émoi, que le désordre règne, que des mesures doivent être prises de toute urgence.

De nos jours, des crises artificielles de ce genre, il y en a toutes les semaines. Chaque incident étonnant ou spectaculaire est gonflé hors de toutes proportions. Le gouvernement est pressé d'agir, de congédier des personnes, de changer les lois. Cette semaine-là, il n'y a qu'une priorité: régler LA «crise». La semaine suivante, il y aura une nouvelle «crise», une nouvelle urgence. C'est la pire façon de gérer les fonds publics.

Ces jours-ci, les partis d'opposition rendent la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, responsable de l'évasion d'Orsainville. Madame Maltais a même rappelé que lorsque le Parti québécois était au pouvoir, les évadés (aussi par hélicoptère) de l'établissement de Saint-Jérôme avaient été retrouvés en trois heures. Les enquêteurs de la SQ seraient moins efficaces sous le PLQ que sous le PQ? Franchement!

Pour sa part, madame Thériault a jeté le blâme sur les épaules de son prédécesseur péquiste, qui n'aurait pas pris les mesures appropriées après l'évasion de Saint-Jérôme. C'est de la partisanerie crasse. De part et d'autre, on étire à l'excès le concept de responsabilité ministérielle.

Le gouvernement Couillard a annoncé la tenue d'une enquête administrative dont le rapport sera rendu public. C'est ce qu'il fallait faire. Malheureusement, le premier ministre aura beau mettre en garde les observateurs contre la tentation de tirer des conclusions avant même le début de l'enquête, personne ne s'en privera. Pour plusieurs, la solution est simple: il faut installer des filins au-dessus des terrains des établissements carcéraux. Est-ce vraiment le meilleur moyen de prévention? Les prisons québécoises n'ont-elles pas d'autres priorités (par exemple, gérer la surpopulation)? Rappelons que les évasions, en hélicoptère ou autrement, sont rarissimes.

Il y a trois semaines, à la suite de l'enlèvement d'un nouveau-né à l'hôpital de Trois-Rivières, plusieurs ont proposé que les bébés soient désormais munis de bracelets GPS. Le mois d'avant, on ne parlait que des gicleurs devant être installés dans toutes les résidences pour personnes âgées. Il y a eu aussi la «crise des accommodements», la «crise des noyades», la «crise des algues bleues», ça n'en finit plus.

Chaque «crise» apporte sa fournée de règlements et de paperasse. Certaines mesures sont évidemment utiles. Beaucoup d'autres sombrent dans l'oubli... sauf pour ceux qui doivent remplir les formulaires année après année.