Fidèle à une sorte de tradition, le premier budget de Carlos Leitao consacre un chapitre à l'insuffisance supposée des transferts fédéraux aux provinces. Ces pages dénoncent les «décisions unilatérales» d'Ottawa dans ce domaine, décisions qui «privent» le gouvernement du Québec de plusieurs milliards.

Une lecture rapide amène à conclure que le gouvernement fédéral a encore une fois réduit les sommes qu'il verse aux provinces. Il n'en est rien. Au contraire, cette année, les transferts fédéraux au Québec augmenteront de presque 10%, dépassant les 17 milliards. Au cours de la dernière décennie, la province a vu ces transferts grimper de 64%.

Pendant les années 90, Ottawa avait radicalement et brusquement réduit ses transferts. Les plaintes des provinces étaient alors parfaitement justifiées. Depuis 2003, les versements fédéraux ont recommencé à augmenter à un rythme soutenu. Peu importe, le gouvernement québécois trouve toujours motif à dénoncer la pingrerie du fédéral.

«Est-ce le retour du déséquilibre fiscal?» a demandé notre collègue Vincent Marissal à M. Leitao, mercredi dernier. «Non», a répondu le ministre des Finances, ajoutant que les transferts fédéraux feront l'objet de discussions entre les provinces et le gouvernement du Canada. Le ton est plus conciliant que celui du gouvernement précédent, mais sur le fond, rien ne change: Québec trouve que le fédéral ne lui verse pas assez d'argent.

Le gouvernement Couillard déplore qu'à compter de 2017-2018, le Transfert canadien en matière de santé n'augmentera plus de 6% par année, comme c'était le cas depuis une douzaine d'années, mais suivant la croissance du PIB. Pourtant, cette décision vise à ramener le rythme d'augmentation de ce transfert à celui des revenus fédéraux. C'est exactement le principe que veulent appliquer les libéraux à la gestion des fonds provinciaux: il faut cesser de dépenser plus d'argent que ce qu'on gagne.

Les provinces demandent au fédéral de rehausser ses transferts aux niveaux atteints dans les années 80. Elles omettent de rappeler que ces années-là, le gouvernement du Canada était dans le rouge de 30 milliards par année. Ottawa ne veut évidemment pas retourner à cette époque.

Il faut enfin rappeler que contrairement à ce qui fut le cas dans les années 90, c'est essentiellement en comprimant ses dépenses de programmes que le gouvernement Harper est sorti du déficit de 55 milliards creusé au coeur de la dernière récession. Pendant ce temps, les transferts aux provinces n'ont pas cessé d'augmenter.

Le fondateur de Couche-Tard, Alain Bouchard, a employé un vocabulaire inapproprié la semaine dernière en disant que la province était «sur le BS», parlant des 7 à 9 milliards qu'elle reçoit chaque année au titre de la péréquation. Sur le fond, cependant, M. Bouchard n'a pas tort: le Québec souffre d'une dépendance malsaine aux transferts fédéraux.