François Legault, le chef de la Coalition avenir Québec, presse le gouvernement Couillard de baisser immédiatement les impôts pour soulager les contribuables et relancer l'économie. C'est une très mauvaise idée.

Le Québec, on le sait, est aux prises avec un déficit important et difficile à résorber. Selon les experts mandatés par le gouvernement, Claude Montmarquette et Luc Godbout, il faudra, dans le budget que présentera mercredi le ministre des Finances Carlos Leitao, réduire les dépenses de 3,733 milliards pour contenir le déficit à 1,75 milliard. Il faudra donner un autre grand coup l'an prochain pour le ramener à zéro.

Comment fait-on, dans un tel cadre, pour baisser les impôts? De deux choses l'une. Soit on élimine le déficit dès cette année pour dégager les surplus pour réduire le fardeau fiscal, soit on baisse les impôts même s'il y a encore un déficit. Dans les deux cas, on frappe un mur.

La première hypothèse, arriver au déficit zéro cette année, exigerait des compressions de plus de 5,5 milliards dès cette année. Encore plus si on veut une marge de manoeuvre pour les baisses d'impôts. C'est une cible irréaliste qui créerait le chaos dans l'administration publique et qui, paradoxalement, ralentirait l'économie en réduisant de façon trop brutale la stimulation apportée par les dépenses publiques.

La seconde hypothèse, baisser les impôts même si l'équilibre budgétaire n'est pas atteint est une hérésie pour ceux qui veulent assainir les dépenses publiques, parce qu'on augmenterait le déficit et qu'on endetterait le Québec pour permettre aux citoyens de dépenser davantage maintenant. La sagesse la plus élémentaire veut que l'on commence par éliminer le déficit avant de commencer à faire des cadeaux fiscaux.

M. Legault, pour défendre sa thèse, évoque le cas américain: «Tout comme l'a fait Barack Obama en 2008, le gouvernement du Québec doit baisser les taxes des familles et de la classe moyenne. Il faut redonner de l'air aux contribuables pour qu'ils se remettent à consommer, ce qui aura des impacts substantiels sur la relance économique».

On ne peut pas imaginer une analogie aussi absurde. 2008, c'était l'année où la crise a dévasté les États-Unis, une situation dramatique qui exigeait une solution de dernier recours. Il y a eu un prix à payer: l'explosion du déficit américain, qui est passé de 459 milliards en 2008 à 1413 milliards en 2009! On ne peut plaquer cette stratégie à la situation du Québec, dont l'économie tourne au ralenti, mais qui n'est pas en crise et qui est déjà dans le cycle du redressement budgétaire.

D'autant plus qu'en toute logique, les baisses d'impôt auxquelles songe M. Legault seraient sans doute modestes, étant donné l'absence de marge de manoeuvre. Une baisse d'un milliard, par exemple, soit 125$ par personne, ne changerait pas la vie des gens et aurait un impact économique insignifiant.

M. Legault se demande pourquoi le gouvernement Couillard préfère des dépenses publiques en infrastructures au lieu de stimuler la consommation des ménages. Au-delà du fait que les travaux d'infrastructure ont un effet économique structurant, il y a une réponse financière. Les dépenses d'infrastructure n'affectent pas le déficit. Elles sont directement financées par la dette. Ce n'est pas sans conséquence, mais ça se défend parce qu'il s'agit d'équipements collectifs qui serviront pendant des décennies. Il y a une distinction importante, que M. Legault ne fait jamais, entre la dette pour payer des dépenses courantes et celle qui finance des équipements à long terme.

Mais comment François Legault peut-il défendre avec autant de vigueur une idée qui tient si mal la route? L'héritage du populisme de droite de l'ADQ? Le désir de se distinguer d'un gouvernement dont il partage la logique de rigueur?