« Le Sénat est une des institutions politiques fondamentales du Canada. Il se situe au coeur des ententes ayant donné naissance à la fédération canadienne. »- Cour suprême du Canada, 25 avril 2014

Si le Sénat du Canada était composé de 105 Roméo Dallaire, les Canadiens auraient certainement une opinion beaucoup plus positive de cette institution. Malheureusement, la plupart des personnes nommées à la chambre haute doivent leur nomination aux services qu'ils ont rendus ou qu'ils rendront au parti au pouvoir.

Le lieutenant-général Roméo Dallaire a annoncé mercredi sa démission du Sénat, où il siégeait depuis neuf ans. Homme courageux et sensible, le général Dallaire est une personnalité admirée non seulement au Canada, mais dans le monde. Depuis sa nomination, il a fait profiter le Sénat et le pays tout entier de sa grande expérience militaire et humaine. Compétent, intègre, indépendant d'esprit : c'est de gens comme M. Dallaire que devrait être composée la deuxième chambre.

Dans son avis récent sur la réforme du Sénat, la Cour suprême a rappelé aux Canadiens que la chambre haute est un rouage essentiel du système politique canadien, et qu'on ne saurait le modifier, voire l'abolir à la légère. C'est pourquoi, a affirmé la Cour, tout changement significatif devrait se faire par le biais d'amendement constitutionnel. Or, on le sait, cette voie est bloquée pour l'avenir prévisible.

Pourtant, il y aurait moyen de redorer le blason de l'institution, de lui permettre de jouer le rôle que lui ont confié les Pères de la Confédération, soit « examiner sans passion les mesures législatives des Communes et défendre les intérêts publics contre toute tentative de législation hâtive ou teintée d'esprit de parti » (George Brown, 1865).

Le chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, a ouvert la voie à un changement en s'engageant à « mettre en place un processus public, ouvert et transparent pour nommer et confirmer les sénateurs ». Surtout, M. Trudeau a promis de « nommer seulement des sénateurs indépendants ». Intéressant... mais insuffisant.

M. Trudeau a beau avoir expulsé de son caucus les sénateurs d'allégeance libérale, ceux-ci siégeant dorénavant comme « libéraux indépendants », on se doute bien que Dennis Dawson, Céline Hervieux-Payette et compagnie continueront de combattre les initiatives du gouvernement Harper. Leur indépendance n'est qu'une façade.

Les personnes recrutées pour le Sénat devraient être libres de toute attache politique, c'est-à-dire ne pas avoir joué de rôle partisan dans le passé. De plus, elles devraient être reconnues, dans leur communauté, pour leur grande compétence et leur parfaite intégrité.

Nul besoin de vaste réforme constitutionnelle pour parvenir à un Sénat respecté. Seule est requise la volonté ferme du premier ministre. De toute évidence, M. Harper n'a pas l'intention de rendre le Sénat moins partisan. Il reste à M. Trudeau de nous convaincre qu'il aura la force de caractère pour tenir ses engagements à cet égard.