Un autre rapport sur l'état des finances publiques du Québec, celui-ci de l'Institut du Québec, conclut que si le gouvernement, après avoir éliminé le déficit, réussissait à ramener la croissance des dépenses de santé de 5,2% à 4,2%, cela suffirait à maintenir les finances en équilibre.

Certains en ont conclu que ce rapport proposait une approche vraiment différente, en contraste avec le ton dramatique des autres études sur la question, qui prévoient la catastrophe si rien n'est fait, qui parlent de crise structurelle et préviennent de l'inévitabilité de changements profonds. Ouf, pourra-t-on dire, on pourra éviter de toucher au modèle québécois.

Cependant, quand on regarde de près ce rapport, on voit qu'il dit la même chose que les autres. Ce n'est pas le message qui change, mais le ton. Le président du nouveau think tank, l'ancien ministre des Finances libéral Raymond Bachand, veut montrer qu'il y a des solutions, et qu'elles sont dans le domaine du possible et du supportable. Cependant, à force de vouloir être soft, il finit par envoyer les mauvais signaux. Car si on lit entre les lignes et les colonnes du document, on découvre que le Québec n'échappera pas aux remises en cause costaudes.

Il faut voir dans quel courant s'inscrit ce nouvel organisme, le fruit d'une association entre le Conference Board du Canada, qui a déjà publié une étude très sombre sur les finances publiques du Québec, et le Centre sur la productivité et la prospérité de HEC, dont les prévisions ont réussi à convaincre Jacques Parizeau que le Québec avait besoin d'un «remède de cheval». En outre, l'étude de IDQ s'appuie sur le rapport, pas rose lui non plus, produit le mois dernier par Claude Montmarquette et Luc Godbout, les deux experts mandatés par le nouveau gouvernement libéral pour faire le point sur les finances publiques.

Le message est donc le même: les finances du Québec sont en situation de déséquilibre structurel, celui-ci s'aggrave avec le vieillissement, l'économie n'est pas assez vigoureuse pour soutenir le niveau actuel des dépenses publiques, il n'y a plus de marge de manoeuvre fiscale, l'équilibre budgétaire doit donc passer par un contrôle des dépenses. On ajoute qu'on ne peut pas y arriver sans toucher à la santé.

L'étude préconise un scénario où le gouvernement du Québec, après avoir éliminé le déficit en deux ans et avoir stabilisé ses finances, ramènerait la croissance des dépenses de santé de 5,2% à 4,2%, maintiendrait celles de l'éducation à 3,4%, et celles des autres postes à 2,6%. En apparence, cela peut sembler bénin, mais la tâche est colossale.

Résorber le déficit, cela veut dire, selon le rapport Godbout-Montmarquette, réduire les dépenses de 3,7 milliards cette année et, pour l'an prochain, un autre 2,5 milliards pour ramener le déficit à zéro et maintenir la croissance des dépenses à 2%. C'est, en soi, très difficile. Ni le gouvernement Charest ni le gouvernement Marois n'ont réussi à identifier les compressions qui mèneraient à cet équilibre.

Ensuite, il faut stabiliser tout ça. S'il est possible, à court terme, de réduire le déficit en recourant à des expédients - par exemple piger dans les surplus des CPE, geler les achats - il faudra transformer ces succès éphémères en solutions durables. Il faudra aussi trouver une façon de transformer une croissance naturelle des dépenses de 5,2% en croissance naturelle de 3% pour éviter d'être en crise permanente comme nous le sommes depuis presque 20 ans. En santé, le maintien de la croissance des dépenses à 5,2% n'est possible qu'au prix de compressions à répétition. Imaginez 4,2%.

On n'y arrivera pas avec une politique de statu quo amélioré. Décourageant? Pas du tout. Parce que repenser intelligemment c'est mille fois mieux que couper bêtement.