«Tarif modulé en CPE: Couillard devant un mur». C'était un titre de La Presse qui coiffait, hier, l'article de Tommy Chouinard sur les vives réactions du monde des garderies à l'idée, évoquée par le premier ministre Couillard, de faire payer davantage les familles à hauts revenus pour la garde de leurs enfants.

Ce titre décrit bien la façon dont s'organisent les débats sur des sujets qui sont perçus comme des éléments du modèle québécois. Il suffit de donner l'impression qu'on va toucher au modèle pour provoquer une levée de boucliers, comme si son essence même, c'était de ne jamais changer. On avance ainsi d'un mur à l'autre.

Dans ce cas-ci, le réflexe premier des groupes qui représentent les garderies est de s'élever contre ce qui trahirait un des grands principes du régime de garderies subventionnées - tout comme des programmes issus de la Révolution tranquille - celui de l'universalité.

Personnellement, je ne crois pas que la modulation des tarifs de garderie en fonction des revenus est une voie à suivre. Pas au nom d'un dogme, pas parce que cela trahit une quelconque valeur sacrée, mais plus simplement parce que ce n'est pas une bonne idée, une mesure qui affecterait la cohérence de notre régime fiscal.

Le premier ministre a noté que «personne ne s'opposerait au fait que quelqu'un qui a mon revenu ou des revenus plus élevés dans la société ait à payer des tarifs comme 10$ par jour pour un enfant en garderie». Sur ce point, il a raison, car personne n'est contre, quand on demande aux riches de payer plus.

Le problème, c'est que le Québec s'est doté du régime fiscal le plus progressif en Amérique du Nord, justement conçu pour que les plus riches paient plus. C'est par le biais de la fiscalité qu'on exige davantage des familles mieux nanties. Si, en outre, on leur réclame des paiements plus élevés pour des services similaires, on détruit un fragile équilibre en introduisant une sorte de double facturation.

Si M. Couillard a ouvert cette porte, c'est parce qu'il en avait fermé une autre, en promettant en campagne électorale d'éliminer la hausse de 7$ à 9$ des tarifs quotidiens de garde annoncée par le gouvernement Marois. Pourtant, les péquistes avaient appliqué exactement la même logique de rattrapage utilisée par les libéraux dans le dossier des droits de scolarité universitaire.

Le rapport du chantier sur les services de garde remis au gouvernement Marois en décembre dernier rappelait que l'engagement initial du régime était d'assurer aux parents «des services fiables, accessibles et stimulants, tout en continuant à assumer leur rôle prépondérant dans l'éducation de leurs enfants». Le rapport ajoutait que par «services accessibles», on entendait leur disponibilité partout au Québec et la contribution réduite demandée aux parents, fixée à 5$ le 1er septembre 1997 puis augmentée à 7$ le 1er janvier 2004. Ni l'universalité ni le gel des tarifs ne constituaient des fondements du programme.

L'indexation, pour que les parents paient aujourd'hui l'équivalent du 7$ de 2004, aurait porté le tarif à 8,25$. Le critère choisi par l'ancien gouvernement pour justifier le 9$, était de relever la contribution parentale pour qu'elle couvre 20% des frais, comme c'était le cas au départ. Il est vrai que cela donne une hausse salée, 500$ par année par enfant, qui s'explique surtout parce qu'il y a eu dix ans de gel.

Mais il me semble qu'il y a un autre critère dont il faut tenir compte, celui de la crise financière. Je ne vois pas au nom de quelle logique le gouvernement libéral pourrait se priver d'une somme de 125 millions, surtout quand on sait que cette hausse de tarifs n'avait pas provoqué de levée de boucliers.