Si Denis Coderre était un joueur de soccer, il aurait droit à un carton jaune. Un simple avertissement. Façon de le rappeler à l'ordre, de lui faire savoir qu'il est surveillé.

Il n'a enfreint aucune des «lois du jeu» jusqu'ici, soyons clairs. Il n'a rien fait d'illégal. Mais il a adopté dernièrement ce qui ressemble à un comportement antisportif, contrevenant aux principes et à l'esprit censés régir aujourd'hui le jeu politique...

Sifflet, donc. Arrêt du jeu. Rappel du comportement exemplaire promis lors du début du match.

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Jusqu'à tout récemment, avouons-le, on a été plutôt impressionné par ce politicien sous-estimé. Il a bien fait et en plus, rien n'a retroussé, ou si peu. Le maire, en entrant en fonction, a certes nommé un candidat défait à la tête de la STM, Philippe Schnobb, mais cela avait des airs d'acte isolé.

On a passé l'éponge depuis. Surtout qu'il a fallu attendre le mois d'avril avant qu'on recommence à parler d'intégrité. Cinq mois, cela mérite d'être souligné...

Puis le 14 avril dernier, une première histoire est sortie. Et une autre. Une autre. Une autre. Et une autre encore. Pas moins de cinq nouvelles plus ou moins douteuses se sont ainsi succédé en trois semaines à peine.

Les cyniques qui n'y ont jamais cru ont-ils finalement eu raison? Non.

Heureusement.

Prises une à une, ces différentes histoires n'ont rien d'accablant. Il y a tout au plus des coins tournés un peu rond ici et là, ce qui peut faire grincer, mais qui peut aussi se comprendre dans une ville aussi imposante que Montréal... à condition que cela demeure des cas d'exception.

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L'omnimaire a beau en mener large, il ne peut tout de même pas contrôler la couleur des trombones.

On ne peut donc pas lui en vouloir d'avoir échappé la promotion de Michel Paquette, ce fonctionnaire ayant été promu... après avoir reçu des pots-de-vin. Cette décision révèle un manque criant de jugement dans «la machine», mais le maire a heureusement le nez dans d'autres dossiers (espérons, cela dit, que ces gestionnaires retrouveront leur jugement avant la fin de la probation du nouveau cadre...).

Même chose pour ces contrats accordés par la Ville à des entreprises éclaboussées par la commission Charbonneau, qui n'avaient pas l'approbation de l'AMF. Révoltant. Mais le maire n'y est encore une fois pour rien: Montréal a suivi les règles édictées par le gouvernement Marois qui a permis aux villes d'écarter les entreprises de construction douteuses, mais pas les firmes de génie. Passons.

Reste Acertys et les «retours d'ascenseur» impliquant Pierre Bélanger et Richard Phaneuf. Trois cas douteux, mais pas scandaleux.

Acertys est cette firme embauchée pour préparer la réfection de la rue Sainte-Catherine. Elle a pondu un rapport suggérant une consultation publique... puis a gagné le contrat pour organiser la consultation! Un exemple de «double dipping» que le comité exécutif aurait dû écarter.

Pierre Bélanger est cet avocat qui s'est inscrit au Registre des lobbyistes pour convaincre le maire Coderre de faire affaire avec son client. Or Pierre Bélanger a présidé la campagne de... Denis Coderre. L'avocat est donc plus à montrer du doigt que le maire, mais ce dernier aurait dû conseiller à son ami de se garder une petite gêne.

Quant à Richard Phaneuf, c'est cet ex-organisateur d'Équipe Coderre embauché pour représenter Montréal devant la Régie des alcools, des courses et des jeux, à la suite d'une suggestion du chef de cabinet du maire. Une embauche approuvée par le contentieux, qui n'a pas d'expertise en la matière, contrairement à Me Phaneuf, habitué à représenter de gros clients devant la Régie.

Il aurait été préférable que la firme soit inscrite au registre des fournisseurs de la Ville plus tôt, mais on n'est pas dans l'illégalité. Pas plus que dans les dossiers impliquant Acertys et Pierre Bélanger. Mais si ces histoires ont beau s'expliquer, leur prolifération reste difficile à avaler...

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Dans le fond, Denis Coderre est comme ce joueur qui se fait remarquer pour sa rudesse, sans contrevenir franchement aux règles. On comprend qu'un coup accidentel peut être donné une fois de temps en temps, mais attention de ne pas répéter.

Le cas de Philippe Schnobb passe encore. Mais aussi celui de Bélanger? Et celui de Phaneuf? En six mois? Faudrait pas que le maire en rajoute un...

De la même manière, le cas d'Acertys est limite. La nomination de Michel Paquette aussi. Il suffirait de quelques exemples de plus pour que l'arbitre sorte un carton rouge...

Il ne faut pas tomber dans l'angélisme ou la chasse aux sorcières, entendons-nous, pas plus qu'il ne faut tirer sur toutes les personnes qui ont participé à la campagne électorale du maire. Mais dans le contexte actuel, l'assainissement du jeu politique implique plus qu'un simple respect des règles écrites.