Pour justifier la décision de son gouvernement d'imposer un péage sur le nouveau pont vers la Rive-Sud, le premier ministre, Stephen Harper, a soutenu que le pont Champlain est un «pont local», contrairement aux autres ponts de juridiction fédérale. Ce commentaire a fait bondir les élus québécois et montréalais qui s'opposent à l'instauration du péage. Pourtant, ce qu'a dit M. Harper est rigoureusement exact.

Rappelons d'abord que le gouvernement conservateur s'est engagé à verser «une importante contribution initiale» pour la construction du nouvel ouvrage, qui doit coûter entre 3 et 5 milliards. Ottawa fera donc sa part et les usagers ne paieront qu'une partie de la facture par le biais du péage.

Selon le fédéral, quelque 20 milliards de dollars de marchandises sont transportées chaque année sur le pont Champlain à destination ou en provenance des États-Unis. Cela paraît énorme, mais en réalité, la très grande majorité (90%) de la circulation sur le pont actuel est le fait d'automobilistes, essentiellement des navetteurs entre la Rive-Sud et l'île de Montréal. Les camions ne représentent que 9% du trafic, dont une partie seulement se dirigent vers une autre province ou les États-Unis.

Les opposants au péage soulignent que la construction du nouveau pont sera plus coûteuse en raison de dégagement nécessité par la présence de la Voie maritime. «Pourtant, parce qu'elle contourne le port de Montréal, cette voie rapporte davantage à l'économie des États-Unis et de l'Ontario qu'à celle de Montréal», affirme Hoang Mai, député de Brossard-La Prairie. Or, la Voie maritime du Saint-Laurent génère bien plus de bénéfices pour l'économie québécoise qu'on le croit. Une part significative des activités des ports de Montréal, Québec et Sept-Îles est générée par les navires circulant entre le fleuve et les Grands Lacs. Selon une étude publiée en 2011, le trafic de la Voie maritime est à l'origine de 19 000 emplois directs au Québec.

Le pont Champlain n'a pas été construit pour satisfaire les caprices du gouvernement fédéral, mais pour régler les problèmes de congestion dont se plaignaient les banlieusards de la Rive-Sud. Si le pont doit être aujourd'hui remplacé, c'est certes en raison des erreurs de conception commises à l'époque, mais aussi parce que le nombre d'usagers a augmenté beaucoup plus que prévu. Ottawa n'est tout de même pas responsable de l'engouement des Montréalais pour la vie de banlieue.

Le pont Champlain étant un ouvrage à vocation locale à laquelle s'ajoute une composante interprovinciale et internationale, il est logique que les coûts de remplacement soient partagés par le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec (pour les transports collectifs) et les usagers. Les partis d'opposition leurrent la population en laissant entendre que s'ils étaient portés au pouvoir, le fédéral paierait la totalité des milliards requis. Avec ou sans Harper, il y aura un péage sur le nouveau pont.