Défaites et gifles à répétition devant la Cour suprême, scandale du Sénat, compressions et décisions controversées (Radio-Canada ou Postes Canada, par exemple), journées difficiles aux Communes, doute sur une promesse-clé (fractionnement du revenu pour les couples au travail) et même, fait rarissime, recul sur un projet de loi (Loi électorale): le gouvernement conservateur de Stephen Harper a déjà connu des jours meilleurs.

Depuis que le Parlement fédéral a repris ses travaux, le gouvernement Harper est assailli de questions sur le programme des travailleurs étrangers, qui semble dans les faits être devenu une filière pour main-d'oeuvre à bon marché, en particulier dans la très prospère Alberta.

Autre embarras pour le gouvernement Harper: la première ministre sortante de l'Ontario, Kathleen Wynne, qui a lancé sa campagne électorale il y a quelques jours en y allant d'une charge à fond de train contre Ottawa (en raison d'un différend profond sur les régimes de retraite). Comme quoi il n'y a pas qu'au Québec que les gouvernements en manque d'appuis tentent de remonter la pente en cassant du sucre sur le dos du fédéral.

Les gouvernements, c'est bien connu, se battent le plus souvent eux-mêmes, surtout après deux mandats (le cas du Parti québécois, qui n'a fait que 19 mois, est une anomalie politique), et c'est ce qui, en théorie, menace M. Harper. Pourtant, à 17 mois des prochaines élections, le chef conservateur a de bonnes raisons de garder confiance en l'avenir.

Pour la première fois depuis un peu plus d'un an - depuis l'accession de Justin Trudeau à la tête du Parti libéral du Canada (PLC) -, les conservateurs remontent en première place dans un sondage Angus Reid publié il y a deux semaines. Au Québec, le Parti conservateur est toujours aussi exsangue, mais le Nouveau Parti démocratique (NPD) détrône maintenant le PLC, selon un sondage CROP-La Presse publié la semaine dernière, une première aussi depuis des lustres.

Une division du vote de centre gauche entre le NPD et le PLC, surtout en Ontario et en Colombie-Britannique, et une lutte aux résultats imprévisibles entre les deux mêmes partis au Québec, vraiment, Stephen Harper est ravi!

Mais que se passe-t-il donc avec les libéraux de Justin Trudeau pour que leur avance fonde ainsi? Rien, justement. Il ne se passe rien du côté des libéraux, en ce moment. Et depuis quelques mois déjà. En fait, le PLC a pratiquement disparu du radar politique canadien depuis que Justin Trudeau a pris tout le monde de court en expulsant les sénateurs libéraux de son caucus, à la fin du mois de janvier.

Bien sûr, la bataille de la visibilité est toujours plus difficile pour un parti de l'opposition, surtout le deuxième parti d'opposition. Bien sûr, un parti monte toujours dans les sondages après l'élection d'un nouveau chef et cette embellie est souvent fugace. Soit, cela rassurera peut-être les libéraux, mais ils sont tout de même quelques-uns à s'inquiéter du manque de tonus de leur parti et de leur chef depuis le début de 2014.

Plusieurs libéraux estiment que leur parti est lent à réagir, qu'il laisse trop de place au NPD et qu'il n'arrive pas à marquer des points contre un gouvernement malmené.

L'évidence crevait les yeux la semaine dernière: le chef du NPD, Thomas Mulcair, faisait flèche de tout bois en talonnant le gouvernement à propos de la circulation des données personnelles des Canadiens, un sujet délicat. Pendant 24 heures, les libéraux ont été éclipsés du débat. Un groupe d'opposition, c'est comme une équipe de hockey, c'est toujours plus difficile de jouer en rattrapage.

Pour reprendre le devant de la scène, certains libéraux croient que leur parti devrait être plus actif, plus combatif et abattre quelques cartes de choix, dont certains candidats prestigieux. Entre les branches, on entend, notamment, le nom de Scott Niedermayer, ex-défenseur étoile de la LNH (et entraîneur adjoint avec les Ducks d'Anaheim), pressenti comme candidat-vedette en Colombie-Britannique. «Rien de neuf à propos de Scott Niedermayer», dit-on au cabinet de Justin Trudeau, mais des sources d'Ottawa s'enthousiasment déjà à cette perspective.

M. Niedermayer, natif de l'Alberta et longtemps résidant de la région de Cranbrook, en Colombie-Britannique, a fait quelques sorties remarquées contre le projet de pipeline Northern Gateway (nord de la C.-B.), ce qui colle avec la position de Justin Trudeau. Il a raccroché ses patins en 2010 après une carrière exceptionnelle dans la LNH.

Au Québec, Michèle Audette, présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, souhaite se présenter pour le PLC, une autre belle prise pour les libéraux.

En Ontario, le PLC tentera de ravir la circonscription de Trinity-Spadina, vacante depuis le départ d'Olivia Chow dans la course à la mairie de Toronto. Les libéraux seront représentés par Adam Vaughan, ancien conseiller municipal de Toronto. Un gros test pour M. Trudeau.

Au sein des troupes libérales, certains voudraient aussi voir Justin Trudeau mettre «de la chair sur l'os», soit dévoiler quelques idées fortes, mais dans l'entourage du jeune chef, on craint de se faire «voler» des engagements porteurs ou, pis encore, de donner des munitions aux conservateurs près de 18 mois avant le prochain scrutin.