Quel contraste entre les deux cérémonies d'assermentation. Pauline Marois avait présenté son nouveau cabinet dans une atmosphère d'euphorie brouillonne. Un an et demi plus tard, quand Philippe Couillard a présenté son équipe ministérielle, le ton était plus que sobre, il était grave.

Cette différence s'explique en partie par la personnalité des deux premiers ministres, et par la culture de leurs partis. Mais elle tient à deux facteurs beaucoup plus fondamentaux.

Le premier, c'est le contexte économique. Le Parti québécois pouvait raisonnablement croire, en prenant le pouvoir, que le pire était derrière nous, que les derniers effets de la récession se dissiperaient d'eux-mêmes. On sait maintenant plus clairement que le Québec est devant un mur, que ses problèmes économiques sont chroniques et que le déséquilibre des finances publiques est structurel.

Le second, c'est le contexte politique. Mme Marois dirigeait un gouvernement minoritaire. Elle voulait marquer rapidement de grands coups en pensant déjà à la prochaine élection. M. Couillard sera aux commandes pour au moins quatre ans. Il a le temps de travailler et il peut se permettre de commencer avec des mesures impopulaires, ce qui est impossible en contexte minoritaire.

Il y a un troisième facteur. Le premier ministre Couillard a fait très clairement de l'économie et des finances publiques sa grande priorité. «Je vous présente le gouvernement de l'économie et du redressement», a-t-il dit. Le simple fait de faire le choix de l'économie peut, en soi, faire la différence.

Philippe Couillard a l'équipe pour y parvenir, avec son fameux trio économique: Carlos Leitao aux Finances, Martin Coiteux au Trésor et Jacques Daoust au Développement économique, auxquels s'ajoutent Pierre Arcand aux Ressources naturelles et les autres ministres sectoriels.

Le contraste est frappant avec le gouvernement Marois, où non seulement Nicolas Marceau était isolé, mais devait combattre des collègues hostiles au développement. Le fait que le gouvernement libéral dispose d'une équipe économique changera la dynamique des débats et la façon dont s'exercent les choix. Cela fera une grosse différence.

Mais n'oublions pas que le véritable défi de M. Couillard est politique. «L'heure n'est plus aux mesures marginales ou cosmétiques. Le moment des décisions difficiles est venu», dit-il. Ce qui est difficile, ce n'est pas de prendre les bonnes décisions, mais de les faire accepter.

On sait que le gouvernement Charest a échoué dans plusieurs de ses efforts de remise en cause du modèle québécois et de réingénierie de l'État, en raison de la puissance au Québec des forces du statu quo. Comment le gouvernement Couillard pourra-t-il vaincre les résistances?

Ça ne sera pas facile. Le ton de M. Couillard comme chef de gouvernement ne ressemble pas à celui qu'il avait comme chef de parti en campagne électorale. Le thème des décisions difficiles n'était pas au coeur de sa campagne; c'était plutôt la tasse de thé de François Legault. M. Couillard devra faire accepter ce changement de cap à ceux qui l'on porté au pouvoir.

Les libéraux pourront bien sûr invoquer les mauvaises surprises qu'ils ont eues en découvrant les chiffres. Mais la recette est éculée. On sait que les gouvernements sortants remettent les décisions difficiles à plus tard. Mais le gouvernement Couillard a agi de la meilleure façon en annonçant, immédiatement, dès son premier conseil des ministres, des coupes de 3,7 milliards.

Par contre, M. Couillard semble jouir d'une lune de miel. Une partie de l'opposition, la CAQ, est en faveur de changements. La gravité de la situation est plus évidente. Et il est aussi possible que les Québécois savent, dans leur for intérieur, qu'il faut faire quelque chose, aborder le développement économique autrement et repenser la façon dont fonctionne l'État. Espérons-le.