Les dirigeants du Parti québécois n'ont pas seulement subi une défaite humiliante, lundi. Ils ont aussi réalisé à quel point il est devenu impossible de rallier une majorité de Québécois à la cause de la souveraineté. Le simple fait d'évoquer l'idée d'un référendum a suffi à provoquer l'effondrement.

Pour plusieurs, c'est un choc. Parce qu'ils n'ont pas voulu voir la réalité en face. Les indices de l'impasse se multiplient depuis la fin des années 90 - faiblesse des résultats électoraux, baisse de l'appui à la souveraineté, quasi-disparition du Bloc québécois. Le cul-de-sac était assez évident pour que j'écrive un livre sur le sujet en 2008, intitulé À mes amis souverainistes, dans lequel je posais une question: «Qu'est ce qu'on fait quand on sait qu'on ne gagnera jamais?»

Cette réflexion, les souverainistes ont refusé de la faire. On l'a encore vu le soir des élections quand les trois prétendants à la succession de Pauline Marois se sont lancés dans une pénible surenchère du déni. La remise en cause ne sera pas facile.

Elle devrait reposer sur un principe simple: écouter au lieu de parler. Depuis des années, le PQ mise sur la parole, croyant que le «projet de pays» finira par l'emporter si on l'explique mieux aux Québécois. Il serait plutôt temps de les écouter.

Quel est l'état des lieux? Le projet n'est pas mort, il recueille entre 35 et 40% d'appuis. Ces chiffres, qui pourraient permettre un certain espoir, cachent deux réalités. D'abord, la proportion de «vrais» souverainistes, pour qui c'est une véritable priorité, est beaucoup plus faible. Ensuite, ces appuis ont plafonné. Pour des raisons démographiques, la montée de l'immigration et l'absence d'intérêt des jeunes. Mais aussi en raison de la disparition de ce qu'on appelait les «nationalistes mous», susceptibles de basculer du côté de la souveraineté. Les opinions se sont cristallisées et le refus de l'aventure référendaire est devenu très ferme chez une forte proportion de Québécois. Pas par peur, mais parce qu'ils ne veulent rien savoir.

Que faire? Il y a trois options, dont aucune n'est parfaite. La ligne dure, l'ambivalence ou l'abandon. La ligne dure, l'engagement de tenir un référendum, est un ticket pour la marginalisation. Les solutions mitoyennes, le «ni oui ni non» de Mme Marois ou le report indéterminé d'un référendum, provoquent, on l'a vu, méfiance et lassitude.

La stratégie de l'ambivalence comporte deux défauts. D'abord, le PQ est condamné à être le porteur d'une option perdante, vouée à l'échec. Avec toutes sortes de conséquences: l'aigreur, le recours aux astuces pour renverser la vapeur, les dérives identitaires pour combler le vide, comme la Charte des valeurs.

Ensuite, elle soulève un réel enjeu démocratique. Le PQ est devenu un parti dont la raison d'être est de réaliser un projet dont les Québécois ne veulent pas, et dont le combat consiste à les amener là où ils ne veulent pas aller. Une démarche qui repose sur un non-sens, créer un pays sans l'existence d'un réel élan populaire.

La troisième option, l'abandon de l'option, comme l'on fait les socialistes en Europe, semble irréaliste, parce que le PQ perdrait sa raison d'être. Est-ce vraiment le cas? Qu'est-ce qui définissait le PQ à sa naissance? La solution proposée, la souveraineté, ou la mission d'incarner l'élan d'une nation qui prenait conscience de son existence?

Il y a en outre quelque chose de très étrange à ce qu'un parti se définisse par ses échecs plutôt que par ses succès. Le PQ a détenu le pouvoir pendant 20 ans, il a contribué à façonner le Québec d'aujourd'hui, on lui doit de grandes réalisations. C'est aussi cela qui définit le Parti québécois et qui peut justifier sa pertinence.