La chose est difficile à croire pour nous qui sommes torturés par un hiver interminable, mais l'humanité a enduré bien pire que la tempête printanière parfaitement cruelle qui s'est abattue, hier, sur le Québec. Le monde a en effet connu le déluge. Pas celui du Saguenay, non, le vrai: celui de Noé.

Narrant la croisière du héros biblique, le film Noé, mettant en vedette Russell Crowe, a pris l'affiche au cours du week-end dans 3567 salles en Amérique du Nord.

À son premier jour à l'écran, vendredi, l'oeuvre de Darren Aronofsky a encaissé des recettes de 15,2 millions, connaissant ainsi le quatrième meilleur démarrage de l'année sur le continent. Bref, succès assuré. Depuis l'Odyssée (VIIIe siècle avant Jésus-Christ), le bon peuple a toujours été friand d'aventures maritimes!

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Ce n'est pas la raison, bien sûr...

En fait, ce à quoi nous assistons est le retour sur les plateaux d'Hollywood des scénarios inspirés par les mythologies religieuses. Au moins une demi-douzaine de productions devraient apparaître en salles - ou s'y trouvent déjà - d'ici la fin de 2014, de Son of God à Heaven is For Real (inspiré du livre d'un pasteur américain) en passant par Exodus (Ridley Scott) et Mary, Mother of Christ. D'autres projets sont dans les cartons.

Bref, c'est une véritable... résurrection.

Ce champ d'intérêt a en effet eu son heure de gloire il y a un demi-siècle: Les Dix Commandements, tourné par Cecil B. De Mille en 1956, en fut sans doute l'apogée. Mais, en 1988 et 2004, les films La Dernière Tentation du Christ et La Passion du Christ ont démontré le risque qu'il y a à s'attaquer aux choses divines. Dans le premier cas, un attentat revendiqué par des intégristes catholiques a fait 13 blessés dans un cinéma parisien où le film de Martin Scorsese était projeté. Dans le second, des accusations d'antisémitisme collèrent à Mel Gibson.

Qu'en est-il aujourd'hui de Noé?

Déjà, plusieurs pays musulmans, du Qatar aux Émirats arabes unis, l'ont banni et plusieurs autres comptent le faire: Noé est en effet considéré comme un prophète et on ne peut donc pas le représenter. En Amérique, des ténors chrétiens se sont déchaînés. Leur principal reproche a un côté comique: la fiction d'Aronofsky ne serait pas suffisamment conforme à la fiction biblique! L'un d'eux est Glenn Beck, le bouillant polémiste, animateur de radio et... mormon. Pour les fidèles de cette Église, Noé est l'incarnation de l'archange Gabriel, qui «n'est pas le fou furieux que la Paramount a cru trouver dans la Bible», dit Beck.

Redescendons sur terre. En produisant Noé, la Paramount, tout comme les autres majors qui s'engagent dans la voie biblique, répond tout simplement à un problème d'approvisionnement: ayant épuisé tous les superhéros laïques disponibles, il faut bien aller chercher les bonnes histoires là où elles se trouvent.

De sorte que Noé et son déluge, c'est du bonbon.