Une chose me frappe dans cette campagne: elle se déroule sans la matière première des partis politiques: les militants.

À ce jour, après presque un mois de campagne, aucun parti n'a tenu de grand rassemblement comme cela se faisait «dans le temps», c'est-à-dire il y a quelques années à peine. Ces événements étaient pour les partis une démonstration de force dont ils se vantaient sans fausse modestie.

On verra cette fin de semaine si cette tendance peut être renversée puisque le PQ (au Centre Telus) et Québec solidaire (au Centre des sciences) organisent des rassemblements importants à Montréal.

Il y a bel et bien eu des réunions de quelques centaines de personnes, mais la plupart des activités de campagne se déroulent sans militants, dans des hôtels ou des salles louées pour une annonce en particulier.

Cette campagne, c'est vrai pour tous les partis, se passe le plus souvent à côté des militants, pas avec eux. Et elle tourne plus que jamais autour des chefs.

Même le bon vieux local de campagne, qui servait de lieu de rassemblement où on peut toujours, dans un délai très court, entasser des militants, semble en voie de disparition.

Lundi, en début de soirée, la caravane du PQ s'est arrêtée dans Vachon (Longueuil), la circonscription de la ministre sortante Martine Ouellet. Il y avait là trois douzaines de militants et de bénévoles, à tout casser, ce que j'ai noté sur Twitter, déclenchant un tsunami d'insultes de partisans frustrés.

Ce n'était pourtant qu'un fait: la première ministre débarque chez une de ses ministres, à 18 h 30, avec toute sa caravane, et il n'y a pas plus de monde que ça? À moins de souffrir de jovialisme chronique, on ne peut pas parler ici d'un franc succès.

Mais ce n'est pas un phénomène propre au PQ.

Il faut dire que les campagnes sont maintenant scénarisées pour la télévision, tant pour la couverture quotidienne que pour les débats. Le rythme des campagnes a d'ailleurs passablement ralenti ces années-ci.

Les chefs font une annonce le matin, suivie d'un point de presse, question de meubler les bulletins du midi, et passent ensuite une partie de la journée à se répondre selon les rebondissements.

Les militants, eux, suivent sur leur écran de télé, dans leur auto ou sur leur téléphone intelligent.

Pauline Marois

Le bon coup - Déposer sa déclaration de revenus juste avant le débat de jeudi soir à TVA. Cela a tué dans l'oeuf les questions qui auraient pu l'embarrasser et on est rapidement passé à autre chose.

Le mauvais coup - Remettre l'intégrité au centre de la campagne, en écorchant le PLQ et son chef, c'était risquer un retour du boomerang, ce qui est effectivement arrivé avec la visite de l'UPAC au PQ. Mme Marois a passé la semaine à se défendre, en répétant qu'elle n'acceptera aucune comparaison entre l'éthique du PLQ et de son parti. Peu convaincant. Crier au «vol» d'élection par les Ontariens était, par ailleurs, quelque peu excessif.

Politique 101 - Lorsqu'on déclenche une campagne sans enjeu clair, la nature, qui a horreur du vide, se charge d'en imposer un. C'est ce qui est arrivé à Pauline Marois, qui doit encore préciser ces jours-ci ses intentions référendaires, ce qui occulte tout le reste de la campagne. Depuis le 5 mars, le PQ a changé quatre fois de stratégie: économie, souveraineté (avec l'arrivée de PKP), Charte, intégrité.

Note: 6,5/10

Philippe Couillard

Le bon coup - Être le premier à dévoiler sa déclaration de revenus de 2012, tout en mettant Pauline Marois au défi de faire de même.

Le mauvais coup - Cette histoire de compte dans un paradis fiscal, quoique parfaitement légale, fait mal paraître le chef libéral et ses explications, surtout au face à face de jeudi, à TVA, n'ont pas été très convaincantes.

Politique 101 - Les dossiers linguistiques n'ont jamais été la grande force des libéraux, mais les propos étonnants de Philippe Couillard, lors du débat de jeudi, sur l'importance pour les ouvriers d'une chaîne de montage de parler anglais n'ont pas fait sursauter que les chefs péquiste et caquiste. Mauvais débat en général, en particulier sur cette question. Pour la première fois au cours de cette campagne, M. Couillard a paru déstabilisé.

Note: 6/10

François Legault

Le bon coup - Combatif au deuxième débat des chefs, jeudi soir à TVA, François Legault a certainement donné à ses candidats et militants l'élan pour terminer honorablement cette campagne difficile.

Le mauvais coup - Un ton de plus en plus désespéré, qui a fait dire au chef de la CAQ que Jean Charest a laissé un «bilan de merde», que les Québécois doivent se botter le derrière et que Philippe Couillard n'a pas de couilles... Pas sûr que les électeurs apprécient ce genre de commentaires.

Politique 101 - François Legault revient, bien tardivement dans cette campagne, à son fonds de commerce: combattre les deux «vieux partis», qui se querellent sur la date du prochain référendum et qui continuent d'endetter le Québec. Le chef de la CAQ doit maintenant tout donner, sans toutefois tomber dans des excès de langage qui rebuteraient assurément bien des électeurs. Sa dernière carte? Demander aux Québécois de ne pas donner aux libéraux de Philippe Couillard un chèque en blanc, soit un gouvernement majoritaire.

Note: 7/10

François David

Le bon coup - Un autre sans-faute lors du face à face à TVA, jeudi soir. Message clair: Québec solidaire est résolument souverainiste et assume ouvertement son choix, contrairement au PQ. Un appel qui pourrait plaire à certains souverainistes déçus par le PQ.

Le mauvais coup - La franchise de Françoise David est admirable, mais c'est tout de même une drôle de chose que de dire, comme elle l'a fait avec le collègue Denis Lessard, qu'elle ne peut s'engager à terminer un éventuel mandat de quatre ans. «À l'âge que j'ai, on ne peut promettre des choses pour quatre ans», dit-elle. Mme David n'a pourtant que 66 ans.

Politique 101 - Mme David nous racontait récemment, lors d'un passage à La Presse, que bien des gens hors de Montréal lui disent: «On vous aime... mais on ne vote pas pour Québec solidaire.» Elle est visiblement ravie que les électeurs l'apprécient, mais elle cherche à les convaincre de voter pour son parti. C'est ce qu'il lui reste à faire, cette semaine, dans les quelques circonscriptions où on aime autant le parti que sa co-porte-parole.

Note: 7,5/10