Quoi que dise Philippe Couillard, son nom sera désormais associé au paradis fiscal de Jersey. Les fiscalistes ont beau affirmer que le chef libéral n'a rien fait d'illégal, le mal est fait.

M. Couillard est la plus récente victime de l'intégrisme éthique qui s'est développé au Québec dans la foulée des scandales véritables mis au jour par les médias et par la commission Charbonneau. Il suffit désormais d'une allégation lancée par un témoin à la Commission ou contenue dans un affidavit pour que les personnes concernées soient présumées coupables.

Le docteur Couillard a lui-même succombé à cette culture malsaine en exigeant que la première ministre publie un bilan de sa situation financière et de celle de son époux. Le leader libéral savait très bien que peu importe sa réponse, Pauline Marois serait perdante.

Revenons à cette affaire de paradis fiscal. En quittant le Canada pour l'Arabie saoudite en 1992, M. Couillard a rompu tous ses liens matériels avec le pays. Comme ceux de n'importe quel Canadien n'habitant plus au Canada, ses revenus gagnés au Proche-Orient n'étaient pas imposables ici. Pour des raisons compréhensibles, M. Couillard a préféré déposer son salaire dans une succursale d'une banque canadienne plutôt que dans un établissement local. Le fait que cette banque se trouvait à Jersey ne lui a procuré aucun avantage. Il n'a pas caché l'existence du compte. Il n'a pas payé moins d'impôt que s'il avait gardé l'argent en Arabie saoudite.

«L'évitement fiscal est profondément immoral», affirme le député de Québec solidaire, Amir Khadir. Or, il ne s'agit ni d'évasion fiscale ni d'évitement fiscal. La grande majorité des experts consultés par les médias ont déclaré que le comportement du neurochirurgien n'avait rien d'illégal ou d'immoral. Au contraire, certains ont loué le fait que dès son retour au Canada, il a déclaré les sommes gardées dans ce compte et payé les impôts requis, alors qu'il lui aurait été facile de ne rien dire.

Champion toutes catégories de la démagogie, le péquiste Bernard Drainville a soutenu que M. Couillard aurait dû transférer sa rémunération et payer de l'impôt au Canada, même s'il n'habitait pas ici et ne recevait aucun service ou prestation des gouvernements canadien et québécois. Autrement dit, M. Couillard aurait dû payer de l'impôt qui ne lui était pas réclamé. Combien de contribuables québécois se portent ainsi volontaires pour payer plus d'impôt que ce qu'exige le fisc?

Nous laisserons à d'autres le soin de juger du rôle joué par les médias dans la mise en place de cette atmosphère malsaine. Chose certaine, les politiciens n'en sont pas seulement les victimes. En criant au scandale à la moindre paille aperçue dans l'oeil de l'adversaire, ils alimentent eux-mêmes leur mauvaise réputation. C'est toute la classe politique, et par le fait même la démocratie, qui en sorte perdante.