Il y a un grand principe en santé, mais qui s'applique à plein de choses, y compris à l'économie. Pour trouver le bon remède, il faut d'abord identifier correctement la maladie.

Si l'on décode les engagements économiques que l'on retrouve autant dans la plateforme libérale que dans la stratégie économique péquiste - programmes de subventions à la rénovation, relance des investissements publics en infrastructure, subventions généreuses aux investissements privés - il y a une insistance sur des mesures d'urgence qui devraient être réservées aux périodes de récession.

Or, le Québec n'est pas en récession. Il n'a pas vraiment besoin de mesures d'urgence qui, par définition, sont souvent mal ficelées. Et cela soulève en moi un certain malaise sur la déconnexion dans cette campagne entre les discours économiques, les besoins et la réalité. En économie, on ne parle pas des vraies «vraies affaires» !

Regardons un peu les chiffres. La croissance économique sera plus lente cette année au Québec qu'au Canada: 1,7% contre 2,2%. Même chose l'an prochain, 1,9% contre 2,5%. L'emploi a stagné tout au long de 2013. Les investissements sont en baisse, selon les données dévoilées la semaine dernière par l'Institut de la statistique du Québec. Les investissements privés non résidentiels baisseront de 2,4% en 2014 après avoir baissé de 12,2% en 2013.

Ce n'est pas une récession, mais ce n'est pas non plus un tableau très rose. Reste à savoir pourquoi. Selon moi, il y a deux composantes à cette stagnation. La première est politique et conjoncturelle. C'est ce qu'on pourrait appeler «l'effet PQ», l'impact négatif du comportement hostile à l'économie du gouvernement Marois à son arrivée au pouvoir. La seconde, plus profonde, est économique et structurelle, les carences de l'économie québécoise qui la condamnent à une croissance plus lente.

Le premier problème se règle de façon politique. Par une défaite du PQ, ou encore, par une poursuite du virage vers la modération qu'il avait entrepris au milieu de son court mandat et par un abandon clair du projet référendaire. Le second problème exige une réflexion profonde sur nos façons de faire, sur nos stratégies économiques, qui repose sur un effort de longue haleine. Dans aucun des cas, la solution ne passe par la rénovation domiciliaire ou les cimenteries subventionnées.

Mais nous sommes en campagne électorale. Il faut des gestes visibles pour faire les manchettes, des lignes pour désarçonner l'adversaire, des formules pour la publicité. Et ça a donné, de part et d'autre, une campagne axée sur l'emploi, parce que c'est ce qui vend, ce qui préoccupe les gens. Le PQ l'a fait dans une fuite en avant, en niant l'évidence: celle d'une stagnation de l'emploi. Les libéraux ont étiré l'élastique statistique en insistant sur une donnée très fragile, les 66 800 emplois à temps plein perdus en 2013, et en promettant de façon téméraire de créer 250 000 emplois en cinq ans.

Or, le Québec vit une période où l'emploi n'est pas son principal problème. À cause de la baisse de la population active, le taux de chômage va diminuer naturellement et le Québec sera plutôt confronté à des pénuries. Les enjeux sont ailleurs - la formation, la productivité, l'éveil de l'entrepreneurship, l'éducation, susciter des investissements sans les financer avec des fonds publics.

Ce sont des choses que l'on retrouve dans les programmes libéraux et péquistes. Mais ce n'est pas ce dont on parle beaucoup en campagne, sauf la CAQ de François Legault, avec les résultats que l'on sait. Mais l'enjeu, ce n'est pas vraiment ce qui est écrit dans les programmes, mais la cohérence que manifestera le futur gouvernement, sa détermination et sa patience pour mettre en oeuvre les réformes dont on a besoin.