La journée de François Legault avait drôlement commencé avec un point de presse au cours duquel il nous a annoncé qu'à ses yeux, souveraineté et fédéralisme se valent. Elle est devenue encore plus étrange lorsque le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) a modifié son horaire pour parler de nouveau aux journalistes, à qui il a lancé ce cri du coeur à l'endroit de ses adversaires politiques: «Sacrez-moi patience avec le référendum, les Québécois n'en veulent pas!»

Derrière M. Legault, dans une usine de Boisbriand, une machine de capsulage automatique de petits flacons répétait inlassablement le même mouvement rotatif, aussi prévisible... qu'un débat préréférendaire en campagne électorale au Québec.

Avec son «sacrez-moi patience!», le chef de la CAQ aurait certainement bien aimé enfermer ces débats vaguement surréalistes et sceller le bouchon, mais malheureusement pour lui, Pauline Marois ne peut l'éviter, même si elle souhaiterait sans doute parler d'autre chose, et Philippe Couillard, lui, y trouve son compte pour le moment.

À 13% dans les intentions de vote (14% chez les francophones), on pourrait penser que la CAQ n'intéresse plus ses adversaires, comme Québec solidaire, à 10%, passe sous le radar des autres partis.

Pourtant, les libéraux reluquent avec appétit les restants de François Legault. La clé, pour eux, est là, comme celle de Jean Charest en 2008 se trouvait dans les restants de Mario Dumont, chef de l'Action démocratique du Québec, dont les appuis avaient fondu comme neige au soleil en cours de campagne électorale.

Jean Charest, par contre, avait un argument de poids et un plan: affronter la crise économique, le retour de la stabilité, les deux mains sur le volant... Cette fois, rien de tel. Les partis n'arrivent pas à imposer les enjeux de la campagne, et comme la nature a horreur du vide, l'entrée spectaculaire de Pierre Karl Péladeau en faveur de la souveraineté a ramené ce thème à l'avant-plan de cette campagne.

Avec empressement, le chef libéral a donc affirmé hier que François Legault est toujours souverainiste, qu'il cache son jeu, lui qui disait pourtant dimanche que la CAQ et le Parti libéral ont la même position!

Le chef de la CAQ, coincé dans ce débat dont il ne voulait pas, se défend d'être encore souverainiste. Il voterait non à un nouveau référendum, «parce que ce n'est pas le moment de tenir un référendum», dit-il, mais il n'avance aucune demande constitutionnelle et veut «garder l'avenir ouvert» pour la suite des choses. Il veut seulement permettre au Québec de se développer dans le cadre fédéral canadien actuel, et si les plus jeunes veulent recommencer à «s'ostiner» sur les questions constitutionnelles dans 10 ou 15 ans, eh bien, soit, grand bien leur fasse.

Autrement dit, pour citer Jacques Chirac: «Ni pour ni contre, bien au contraire»...

«Je ne suis pas revenu en politique pour signer la Constitution canadienne», ajoute M. Legault, qui ne veut pas non plus d'un nouveau référendum. Certains concluraient, non sans raison, que cela s'appelle, dans les faits, le statu quo. Constitutionnellement, du moins.

Avec le débat préréférendaire, c'est dans cette zone exsangue que se retrouve François Legault. Le chef de la CAQ voudrait bien parler d'autre chose, mais au Québec, la position constitutionnelle, c'est comme la maternité: on ne peut pas être à moitié enceinte.

Théoriquement, la position de la CAQ devrait plaire aux Québécois, qui, comme le nouveau CROP le démontre encore une fois, ne veulent pas d'un nouveau référendum.

Au diable la Constitution. Santé, emplois, développement économique d'abord. Comme François Legault, la majorité des Québécois semblent s'accommoder du statu quo. Et comme le PLQ propose aussi le statu quo, les Québécois préfèrent apparemment voter pour un parti qui a une chance réelle de prendre le pouvoir et d'empêcher la tenue d'un troisième référendum.

Au départ, en 2010 et en 2011, la troisième voie proposée par François Legault semblait plaire aux Québécois. N'était-ce que l'effet de la nouveauté?

À l'époque, plusieurs adversaires de la CAQ affirmaient que François Legault allait tomber dans un trou à force de se tenir en équilibre entre deux chaises.

Il faut admettre qu'ils n'avaient pas complètement tort. Dans le duel classique souveraineté-fédéralisme, la CAQ est isolée, mise en échec.