Quand, début février, Pauline Marois a annoncé à ses militants que, dans un second mandat, son gouvernement publierait un «livre blanc sur l'avenir du Québec», les péquistes ont réagi avec enthousiasme et se sont mis à scander: «On veut un pays! On veut un pays!». Madame Marois s'est jointe à eux: «On veut un pays!». Pour les péquistes, il était clair que ce livre blanc servirait à mousser la cause indépendantiste. Des ministres l'ont compris ainsi, eux aussi. Pour Pierre Duchesne, le document permettrait de faire «la pédagogie» de l'indépendance.

Depuis le début de la campagne électorale, madame Marois essaie pourtant de faire croire aux Québécois que ce livre blanc sera un document objectif: «Un livre blanc fait un état de la situation et identifie des pistes de solution par rapport aux situations qu'on évalue, aux problèmes qu'on peut soulever. Généralement, on porte différentes hypothèses. Et par la suite, ces orientations sont soumises à débat et discussion» a-t-elle expliqué la semaine dernière.» Elle a ensuite tenté d'évacuer la question: «On n'est pas en campagne sur l'avenir du Québec, on est en campagne électorale. Lorsque les Québécois iront aux urnes le 7 avril, ils voteront pour un gouvernement.»

En effet. Et ils auront le choix entre une formation politique qui consacrera beaucoup d'énergies à rédiger un pamphlet pour la séparation du Québec, puis à «consulter» (lire «convaincre») la population, et d'autres partis qui proposent plutôt de s'attaquer aux problèmes concrets de la population. En un sens, le livre blanc est écrit depuis longtemps: il contiendra l'argumentaire que nous servent les indépendantistes depuis quatre décennies, ajusté au contexte du jour.

Pourquoi le Parti québécois ne dit-il pas clairement que la démarche livre blanc/consultation vise à préparer un référendum sur l'indépendance? C'est simple: la séparation est tellement impopulaire que si madame Marois faisait preuve de franchise, ses chances d'être reportée au pouvoir le 7 avril seraient grandement diminuées.

Le chef libéral, Philippe Couillard, a pour sa part commis la maladresse de s'engager à oeuvrer pour la reconnaissance constitutionnelle de la spécificité du Québec. Les fédéralistes québécois ont eux aussi un devoir de franchise. Compte tenu de l'humeur du reste du Canada, une telle reconnaissance n'aura pas lieu dans un avenir prévisible.

Cette lacune n'empêche pas le Québec de trouver son compte au sein de la fédération. Le caractère distinct de la province est d'ailleurs affirmé concrètement toutes les fois qu'Ottawa et Québec concluent une entente particulière, encore récemment sur la formation de la main-d'oeuvre.

Madame Marois dit ne pas vouloir «bousculer» les Québécois sur la question nationale; cette attitude serait louable si, à la place, elle ne cherchait pas à les endormir.