Les Québécois participent ces jours-ci à un des exercices fondamentaux des démocraties: la campagne électorale, à l'issue de laquelle ils pourront choisir leur gouvernement. L'exercice n'est évidemment pas parfait. Mais, malgré leur grogne contre la classe politique, la plupart des Québécois iront voter le 7 avril. Et ils auront confiance que les résultats reflètent la volonté collective.

Pendant ce temps, à Ottawa, le gouvernement Harper a présenté une vaste réforme (le projet de loi C-23) de la Loi électorale du Canada, réforme qui suscite de grandes inquiétudes. Le texte de 243 pages a été dénoncé par de nombreux commentateurs, par des dizaines de politologues et par le Directeur général des élections (DGE) lui-même, Marc Mayrand.

Entre autres mesures controversées, le projet de loi interdirait le recours à un répondant pour s'identifier le jour du scrutin. Ce système, auquel plus de 120 000 personnes ont eu recours en 2011, permet à des gens ne possédant pas de cartes d'identité de voter après qu'une connaissance ait confirmé leur identité et leur adresse sous serment. « Pour beaucoup d'électeurs, a souligné le DGE, le recours à un répondant est la seule solution. » On pense à des personnes âgées, à des jeunes et à plusieurs Canadiens des Premières Nations.

En vertu de C-23, les coûts entraînés par la sollicitation auprès de personnes ayant déjà donné à un parti ne seraient plus comptabilisés comme dépenses électorales. Ce changement semble fait sur mesure pour le Parti conservateur, qui dispose de loin du plus imposant bassin de donateurs.

Le projet de loi veut limiter la capacité d'Élections Canada de communiquer avec la population. Désormais, l'organisme pourrait seulement fournir de l'information sur la mécanique électorale (Comment se porter candidat ? Où voter ? Quelles sont les pièces d'identité acceptées ? etc.) Il ne lui serait plus possible de mener des campagnes de sensibilisation ou de publier le fruit de ses recherches.

Outre le contenu du projet lui-même, il y a d'autres raisons de se méfier des intentions du gouvernement. D'abord, les conservateurs ont souvent été en guerre contre Élections Canada, organisme qui a mis au jour certaines de leurs manoeuvres douteuses. Ensuite, le ministre pilotant C-23, Pierre Poilievre, a parfois déformé les faits pour justifier les mesures les plus controversées du projet de loi. Enfin, jusqu'à ces derniers jours, le gouvernement semblait pressé de faire adopter la réforme telle quelle.

Devant la levée de boucliers, M. Poilievre a adopté un ton plus conciliant cette semaine. Avec le DGE, Marc Mayrand, nous espérons que « même majoritaires, les conservateurs vont reconnaître qu'il est tout à fait malsain de faire une réforme envers et contre tous. » (Le Devoir, 11 mars) La modification unilatérale des règles électorales exacerberait le désabusement populaire. Or, on le sait, ce mal est déjà trop répandu.

Une modification unilatérale des règles électorales exacerberait le désabusement populaire.