Je me souviens d'un temps pas si lointain, c'était à la fin des années 90, quelques années après le deuxième référendum sur la souveraineté, la politique québécoise était devenue à ce point ennuyeuse pour le reste du Canada que la plupart des grands journaux fermaient leur bureau à l'Assemblée nationale ou alors reléguaient leur couverture près de la chronique nécrologique.

Lucien Bouchard, l'ennemi public numéro un du Canada anglais en 1995, devait capituler quelques années plus tard, confortant, chez les fédéraux, l'idée que la souveraineté se mourait, malgré la loi sur la «clarté» qui devait relancer l'option.

Puis Jean Charest, Capitaine Canada, a pris le pouvoir pendant près de 10 ans, ce qui a ajouté une couche d'anesthésiant dans le reste du Canada.

La quasi-mort du Bloc québécois, aux élections fédérales de 2011, allait finir de convaincre Ottawa, Toronto et le reste du pays de tourner la page.

Même l'arrivée d'un gouvernement conservateur dirigé par Stephen Harper, vu comme un étranger au Québec, n'a rien changé. Au contraire, cela n'a fait que creuser encore davantage le fossé entre le Québec et le reste du Canada.

On dirait que la torpeur est en train de faire place à un réveil brutal à Ottawa. Avec la remontée du PQ - et encore plus depuis hier avec l'électrochoc PKP - et les difficultés du PLQ et de la CAQ, le ROC s'intéresse de nouveau au Québec, avec une certaine anxiété.

Ce n'est pas encore de l'angoisse, mais un réveil désagréable, surtout à Ottawa. Dans les derniers jours, Stephen Harper a multiplié les appels avec les premiers ministres des provinces et, chose rare, il a aussi tendu la main (et l'oreille) aux chefs des partis de l'opposition à Ottawa, Thomas Mulcair et Justin Trudeau. En soi, c'est une nouvelle: M. Harper qui cherche la collaboration. Faut croire que l'heure est grave!

Le problème, c'est que M. Harper n'est pas connu pour ses talents de rassembleur, ni à Ottawa ni dans les capitales provinciales. Si le voyant lumineux du Québec passe au rouge sur le tableau de bord des fédéraux, advenant l'élection d'un gouvernement Marois majoritaire, le ROC se tournera vraisemblablement vers un autre leader.

Justin Trudeau? Efficace dans le reste du Canada, mais polarisant au Québec. Thomas Mulcair? Efficace au Québec, mais dans le reste du Canada?

Pour le moment, les fédéraux ne se mêleront pas - du moins directement - de la campagne au Québec, comme c'est la coutume. Mais les stratèges du PQ peuvent provoquer presque à volonté des réactions à Ottawa en forçant un peu le discours sur la Charte de la laïcité.

Il sera difficile aussi pour les partis fédéraux de rester totalement en retrait lorsqu'on discutera, encore une fois, de la possibilité d'un autre référendum au Québec. D'autant qu'ils n'ont rien à offrir en réponse aux électeurs souverainistes.

Stephen Harper a promis il y a neuf ans une «charte du fédéralisme» qui n'a jamais vu le jour et dont il ne parle plus.

Par ailleurs, son gouvernement a réglé, sans esclandre, l'épineux dossier de la formation de la main-d'oeuvre la semaine dernière, sans toutefois toucher un gramme de crédit au Québec. Damned if you do, damned if you don't...

Un autre chef fédéraliste? Ce n'est un secret pour personne que Justin Trudeau n'a aucun appétit pour ce qu'il appelle toujours les «vieilles chicanes».

Thomas Mulcair, quant à lui, dirige un caucus québécois aux allégeances fédéralistes parfois molles, ce qui le rend suspect dans le reste du Canada.

Au Québec, l'allié naturel des fédéraux, Philippe Couillard, martèle qu'un vote pour le PQ, c'est un vote pour un référendum. Mais, lui, qu'offre-t-il en échange?

M. Couillard parle du retour de la «cage aux homards». Mais il ne peut lui-même trop insister sur une éventuelle adhésion du Québec à la Constitution de 1982 sans risquer de ramener le souvenir du «magasin général».

Pendant ce temps, Pauline Marois a beau jeu de maintenir le flou artistique autour d'un éventuel prochain référendum et pousse même l'audace jusqu'à inviter les fédéralistes à appuyer son parti.

La manoeuvre est sibylline, mais elle démontre que pour le moment, la chef du PQ peut éviter le piège à ours du référendum. Mme Marois tiendra-t-elle un référendum si elle dirige un gouvernement majoritaire?

P't'être ben que oui, p't'être ben que non, comme disait le père de l'autre...

PKP-la-Bombe

Tout, ou presque, a été dit depuis hier sur l'arrivée prévisible de Pierre Karl Péladeau au PQ.

Candidat de choc, personnalité controversée, patron dur et intransigeant, star du monde des affaires et autres clichés.

Peu importe ce qu'on pense de PKP, son engagement politique est honorable et, maintenant qu'il est en politique, on jugera le candidat à sa performance.

Une chose, toutefois: il doit choisir. La politique ou les affaires.

Une fiducie sans droit de regard, c'est suffisant pour un propriétaire de PME, pas pour le patron d'un empire dont les tentacules touchent de nombreux secteurs cruciaux de l'économie du Québec.