À la veille de déclencher des élections, le gouvernement Marois a annoncé l'octroi de 4 millions à huit nouveaux projets de recherche sur notre identité, ce qui inclut notre langue et notre histoire. Six appels de propositions sont déjà lancés. Dans le même temps, Québec entreprend une réforme de l'enseignement de l'histoire nationale au niveau secondaire. Dès septembre prochain, 90 projets pilotes seront mis en place.

Rien de cela n'étonne, évidemment.

On ne peut pas reprocher au Parti québécois d'être ouvertement ce qu'il est profondément, qu'il soit ou non au pouvoir. C'est-à-dire un véhicule politique entièrement tourné vers une certaine conception de la nation, à terme vers l'indépendance.

Et nous prendrons pour hypothèse que ces nouvelles interventions sur des terrains politiquement minés seront faites avec toute l'objectivité possible, sans intentions partisanes... nonobstant le passé récent. La saga de la Charte, par exemple, qui a transformé la quête nécessaire d'une laïcité affichée de l'État en une campagne de promotion du «nous» - couronnée de succès, d'ailleurs, il n'y a qu'à voir les sondages.

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Apprécions les choses sous un autre angle: à partir de quel moment, pour une nation ou un individu, peut-on parler d'un repli sur soi malsain?

Nous, nous, nous...

Huit nouvelles chaires de recherche sur notre identité? Huit? Est-elle si mystérieuse, inexplorée, incertaine? Considérant la somme des terres ouvertes à la prospection, celle sur laquelle s'élève notre identité est au contraire la mieux défrichée et aménagée de toutes! Depuis plus d'un demi-siècle, notre identité constitue la substantifique moelle de la politique, de la culture, de l'information et même de l'économie - voir Québec inc.

D'autre part, l'appartenance nationale n'est qu'un des nombreux éléments qui composent l'identité d'un être. Est-il le plus important?

L'enseignement de notre histoire, maintenant.

Sans même considérer que l'Histoire est le champ de connaissances le plus manipulé par la politique, qu'est-il essentiel de savoir sur le passé? Sur le nôtre au sens de la nation, sur celui des civilisations, sur celui de l'espèce et même de l'univers? Pour rejoindre la question posée sur les multiples composantes de l'identité, laquelle de ces histoires est-elle la plus importante?

On pourrait raisonnablement plaider que la civilisation gréco-romaine nous a davantage façonnés, nous (nous!), notre philosophie, notre savoir, notre vie, que les plaines d'Abraham. Les Lumières plus que Lord Durham. La révolution industrielle plus que 1837. La défaite des totalitarismes européens davantage que la saga constitutionnelle.

En somme, le «nous» réel est d'une complexité plus grande que celle qu'on lui attribue généralement. Il faut en accepter toutes les facettes sous peine de ne rien comprendre au passé, de s'égarer dans le présent, de n'avoir aucune prise sur l'avenir.