Lorsqu'il était professeur d'économie à l'UQAM - un très bon professeur, à ce qu'on me dit - Nicolas Marceau aurait-il accepté un travail de session à moitié terminé?

Et lorsqu'il était dans l'opposition, aurait-il accepté de voter sur une moitié de budget?

La réponse aux deux questions est non, évidemment. C'est pourtant ce qu'il a fait hier, en présentant un budget pour 2014-2015, sans toutefois déposer les crédits, soit le détail des dépenses. C'est d'autant plus ironique que le gouvernement de Pauline Marois élève, dans ce budget, le contrôle des dépenses au rang de vertu cardinale pour les prochaines années.

En fait, tout le plan Marceau de retour à l'équilibre budgétaire repose là-dessus: contrôle des dépenses et révision des programmes. Pour le reste, faites-nous confiance, ça va balancer, nous dit en gros le ministre des Finances.

Nicolas Marceau résume en un paragraphe sa formule, sur fond de pensée magique et d'enthousiasme qui contrastent fortement avec la situation économique actuelle du Québec: «Le plan de retour à l'équilibre budgétaire du gouvernement repose sur deux éléments majeurs: un contrôle des dépenses responsable et une stratégie économique créatrice de richesse, et ce, dans un souci de développement durable et de justice sociale. La vision économique du gouvernement est claire, cohérente et ambitieuse.»

Ben voilà, c'est tout simple!

En réalité, tout ce qu'on sait, c'est que le gouvernement Marois veut geler le budget de tous les ministères, sauf ceux de la Santé et de l'Éducation, dont les dépenses continueront de croître de 3% par année.

Malgré tout, Nicolas Marceau a affirmé hier que les partis de l'opposition ont devant eux toute l'information nécessaire pour se prononcer sur son cadre financier. Et lorsqu'on lui demande pourquoi il n'a pas déposé les crédits, donc les prévisions des dépenses détaillées, il patine en disant que cela s'explique parce que son gouvernement est minoritaire. Euh... En 2012 aussi, ce qui n'avait pas empêché M. Marceau de faire ses devoirs au complet.

Le budget des dépenses, ce n'est tout de même pas une coquetterie en période de déficits budgétaires, lorsque la cote de crédit du gouvernement est sous surveillance. Encore moins au lendemain du sérieux avertissement du vérificateur général, selon qui il faudra soit hausser les tarifs, soit réduire les dépenses pour retrouver l'équilibre.

Mais bon, j'arrête de vous embêter avec des chiffres, parlons plutôt politique puisque, après tout, le but de l'exercice d'hier était de mettre la table pour la prochaine campagne électorale.

Dans l'état actuel des finances publiques, M. Marceau ne pouvait évidemment pas se mettre à jouer au père Noël, d'autant que le gouvernement fait pleuvoir les millions sur le Québec depuis quelque temps.

L'utilité de ce budget, qui ne sera même pas soumis au vote à l'Assemblée nationale, est d'établir les grandes priorités politico-économiques du Parti québécois en vue de la prochaine campagne électorale.

D'emblée, le titre du budget annonce la couleur: «Maîtres et prospères chez nous», un slogan qui pourrait fort bien se retrouver sur des pancartes électorales.

Le credo est résolument nationaliste, confirmé par l'engagement à protéger les sièges sociaux au Québec et par la participation enthousiaste du gouvernement dans la filière pétrolière.

De toute évidence, le PQ veut jouer la carte du gouvernement responsable en campagne électorale. Il promet une nouvelle entente avec les fonctionnaires basée sur une «rémunération responsable» qui tiendra compte de la «capacité de payer des contribuables», une renégociation salariale avec les médecins et, surtout, une augmentation graduelle des tarifs dans les CPE.

Le gouvernement Marois promet aussi de récupérer 125 millions en rationalisant le réseau des commissions scolaires, une des cibles préférées de la CAQ.

Sans surprise, le chef libéral, Philippe Couillard, et celui de la CAQ, François Legault, ont rejeté ce budget, affirmant ne pouvoir voter pour ce document incomplet, électoraliste et même trompeur. Ils n'en auront pas l'occasion de toute façon puisque le gouvernement n'a pas l'intention de soumettre son cadre budgétaire au test de l'Assemblée nationale.

Les députés partent ce soir en pause parlementaire de deux semaines, après quoi la première ministre devrait constater le manque d'appui des partis de l'opposition et profitera du «blocage» pour déclencher des élections.

Le PLQ et la CAQ n'auront pas trop des 15 prochains jours pour terminer le recrutement de candidats, pour peaufiner leur programme électoral et leur plan de campagne.

Pour des gens à qui on a déjà reproché d'improviser et de reculer constamment, il faut admettre que les péquistes ont fichtrement bien joué leurs cartes dans cette joute préélectorale.