Ce n'est évidemment pas scientifique, mais tout de même représentatif de l'état d'esprit des Québécois.

Lapresse.ca demandait mardi aux internautes s'ils souhaitent un gouvernement majoritaire ou minoritaire au terme des prochaines élections. Réponse (17 548 répondants): 55% pour un gouvernement majoritaire; 40% pour un minoritaire et 5% d'indécis.

Une décennie plus tard, il semble bien que nous ayons fait le tour de la question. Du gouvernement de Paul Martin, en 2004, à celui de Pauline Marois, il semble bien que les Québécois ne voient plus les mérites des régimes minoritaires.

L'élection, en septembre 2012, d'un gouvernement péquiste minoritaire n'aura-t-elle été que le fruit d'un accident électoral provoqué par la présence de la CAQ et la division du vote souverainiste en trois directions (PQ, Québec solidaire et Option nationale)?

On dirait bien. En tout cas, contrairement aux premiers gouvernements minoritaires, à Québec comme à Ottawa, on n'entend presque plus personne demander aux élus de travailler ensemble pour faire fonctionner le Parlement. Et aucun chef ne vante plus les vertus d'un gouvernement minoritaire ni ne milite en faveur de la collaboration en Chambre.

Les Québécois veulent des élections, du moins ils ne s'y opposent pas ou semblent résignés.

Au-delà des intentions de vote en hausse dans les sondages, Pauline Marois jouit d'un autre atout, tout aussi puissant: la volonté des électeurs de retrouver la stabilité d'un gouvernement majoritaire. Ce sentiment largement répandu au Canada en 2011 et au Québec en 2008 avait contribué à l'élection des gouvernements majoritaires de Stephen Harper et de Jean Charest.

Il fut un temps, pas si lointain, où l'élection d'un gouvernement minoritaire donnait aux citoyens un sentiment de pouvoir, de contrôle sur les élus. Cette impression semble s'être dissipée.

L'expérience des gouvernements minoritaires a plutôt démontré qu'ils se traduisent par un état de tension permanent sur les collines, par une exacerbation de la joute politique, par des guerres partisanes. Et par beaucoup de théâtre. Notre système parlementaire et nos coutumes politiques ne permettent tout simplement pas les alliances, la cohabitation. Un gouvernement minoritaire n'est qu'une pause, un sale moment à passer en attendant d'avoir les coudées franches pour reprendre la majorité ou pour renverser le gouvernement.

Du théâtre, on n'a eu que ça au Québec depuis six mois. Le gouvernement Marois a élaboré une grande mise en scène dont l'avant-dernier acte se jouera aujourd'hui à Québec avec le dévoilement d'un budget condamné d'avance.

On n'a même pas essayé, ni du côté gouvernemental ni du côté de l'opposition, de chercher sérieusement un terrain d'entente. Le gouvernement ne veut même pas que ce budget passe, ce pourquoi il ne le soumettra même pas au vote de l'Assemblée nationale.

Ce que le ministre des Finances, Nicolas Marceau, déposera aujourd'hui n'est pas un budget, c'est le chapitre économique du programme électoral du Parti québécois.

Le gouvernement Marois n'aura donc fait adopter qu'un seul budget en 18 mois, reniant ou allégeant au passage quelques promesses-phares et repoussant le retour de l'équilibre budgétaire. Cela n'aura toutefois pas empêché la première ministre et son équipe de sillonner le Québec depuis des mois en déversant des milliards en projets, en subventions, en promesses. Hier, le vérificateur général a confirmé ce que tout le monde soupçonnait: le gouvernement Marois a engagé des dépenses de 2,6 milliards sans dire où il prendra ce fric (dans un contexte récurrent de déficit!). De l'argent de Monopoly, quoi.

Mais aux grandes ambitions électorales les grands moyens. Le report du déficit zéro, les annonces et les milliards, le budget même pas soumis au vote à l'Assemblée nationale, ça faisait partie de la mise en scène.

Même chose pour le projet de loi sur la Charte de la laïcité, outil purement politique qui n'avait, dès le début, aucune chance de se rendre sur le parquet du Salon bleu pour adoption.

Même chose pour cet empressement soudain à déposer des projets de loi (notamment celui touchant la réforme des régimes de retraite des employés municipaux) alors que le menu législatif est resté volontairement dégarni depuis des mois. Encore là, on ne devrait pas appeler cela un projet de loi, mais un engagement électoral.

Même les projets de loi qui auraient pu être adoptés grâce à une rare collaboration parlementaire, comme celui sur les soins de fin de vie (Mourir dans la dignité), risquent maintenant de passer dans le tordeur préélectoral.

Il semble bien que la mise en scène préélectorale du gouvernement Marois ait été payante pour le PQ, mais le fait est que le bilan législatif des deux dernières sessions parlementaires est bien mince, que les principaux projets et engagements (caisse autonomie en santé, déficit zéro, loi 101, remboursement par les commissions scolaires) ont été reportés, que les rares projets de loi sont sur la glace et que l'économie du Québec s'est détériorée.

Vivement le dernier acte, le déclenchement des élections. Plus de six mois de répétition préélectorale, c'est long.

Élections à date fixe

Plusieurs lecteurs s'indignent dans ma boîte de courriel du fait que le gouvernement Marois s'apprête à violer sa propre loi sur les élections à date fixe.

En fait, une telle loi ne peut s'appliquer dans le contexte d'un gouvernement minoritaire et elle a été rédigée pour laisser aux premiers ministres toute la latitude nécessaire pour demander au lieutenant-gouverneur de dissoudre le Parlement.

Dans les faits, le gouvernement peut encore déclencher des élections à sa guise, même s'il n'a pas perdu la confiance de l'Assemblée nationale officiellement.

Bof, si c'est bon pour les libéraux, c'est bon pour les péquistes, non?