L'impuissance. C'est le mot à retenir après l'échec de «Genève 2», ce round de pourparlers internationaux sur la guerre civile syrienne qui s'est terminé, le week-end dernier, sans avancée concrète et sans agenda pour une poursuite des négociations. Rien pour encourager des trêves au moins locales sur le terrain, donc. Rien pour définir un cadre politique de transition.

Contemplant cette situation, le médiateur de l'ONU, Lakhar Brahimi, est allé jusqu'à présenter ses excuses au peuple syrien. Ce qui peut être interprété comme un blâme à l'endroit de toutes les parties combattantes ainsi que des puissances impliquées à des niveaux divers, en particulier la Russie, les États-Unis et l'Arabie saoudite.

Depuis trois ans, on le sait, le conflit a fait plus ou moins 125 000 morts et déplacé huit millions de citoyens syriens, dont deux millions ont fui le pays.

Cet échec de la communauté internationale est en réalité une victoire pour Bachar al-Assad, qui n'a jamais caché privilégier la force pour se maintenir au pouvoir. Et on peut croire que, dans l'immédiat, le niveau de violence augmentera encore, d'autant plus que les milices islamistes sont de plus en plus actives sur le terrain. Le principal groupe est l'ISIS (État islamique en Irak et au Levant), qui s'attaque autant aux forces anti-Assad qu'au régime lui-même.

Ces djihadistes mènent littéralement une guerre à l'intérieur d'une guerre.

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«Quand même al-Qaïda vous désavoue publiquement parce que vous êtes trop brutal, c'est probablement parce que vous l'êtes vraiment»...

C'est ainsi que Peter Bergen, spécialiste de la terreur islamiste et analyste à CNN, décrit le caractère des combattants de l'ISIS. Ceux-ci ont en effet été répudiés par Ayman al-Awahiri, successeur de ben Laden, qui dispose déjà en Syrie d'une autre milice réputée moins barbare, le Front Al-Nosra.

De fait, dans les territoires qu'il contrôle, l'ISIS déploie tout le folklore totalitaire de l'islam radical: égorgement public des opposants, lapidation, torture et viol systématiques, enlèvement et assassinat de journalistes, encadrement de la vie civile tel qu'il fut en Afghanistan sous les talibans, imposition du voile islamique.

Chose sûre, tout comme ils progressent en Afrique, les islamistes contrôlent dorénavant de larges territoires en Syrie et en Irak. Leurs succès attirent des aspirants au djihadisme de l'Europe, des États-Unis. Et du Canada: depuis un an, une centaine de citoyens du pays - surtout de l'Alberta et de l'Ontario - seraient allés combattre en Syrie, affirment des sources officielles. Ce qui fait naître une autre crainte: que feront ceux parmi ces combattants qui, radicalisés et aguerris, reviendront chez eux? ...

Ce sera peut-être de la Syrie que, tel un boomerang, reviendra en Occident une menace terroriste devant laquelle il ne faudrait pas, là aussi, se résigner à l'impuissance.