Le Fonds de solidarité de la Fédération des travailleurs du Québec a annoncé jeudi un virage profond pour changer ses règles de gouvernance. Le président du conseil du Fonds ne sera plus le président de la centrale, la FTQ ne sera plus automatiquement majoritaire au conseil d'administration, et surtout, les décisions stratégiques seront confiées à des comités dominés par des membres indépendants.

Je ne peux qu'applaudir ce virage que j'avais moi-même souhaité dans une chronique récente. Les révélations à la commission Charbonneau ont montré l'existence d'une confusion des rôles entre la FTQ, une centrale syndicale, et le Fonds, une institution financière.

Il fallait un coup de barre pour clarifier les rôles, pour protéger de Fonds des pressions indues, et pour être certain, même si beaucoup de correctifs avaient été apportés depuis 2009, que la culture de pressions, de copinage et de cadeaux ne refasse pas surface.

Ce virage était aussi nécessaire pour redorer l'image de la FTQ et de son Fonds, mis à mal par les écoutes électroniques. Il fallait aussi que ce virage soit clair et rapide, parce que nous sommes en février, le mois des REER, celui où l'on sollicite davantage les épargnants.

Mais ce processus de réforme était délicat parce qu'il fallait éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain. Il fallait préciser le rôle de la FTQ à l'égard du Fonds de solidarité, le circonscrire, sans pour autant compromettre la nature de l'institution, ses origines, sa culture, sa mission.

Le Fonds FTQ est une institution économique importante, qui joue un rôle essentiel dans le développement économique du Québec et qui occupe un créneau spécifique que les institutions financières traditionnelles n'occupent pas. Les investissements du Fonds se font en principe dans un esprit de développement du Québec et de ses régions, de soutien à l'emploi, et sont ainsi au service d'une mission qui lui est propre.

Et si le Fonds existe, s'il a enregistré des succès, aidé de très nombreuses entreprises, c'est grâce à la FTQ, qui l'a mis sur pied et qui a pris des risques quand, il y a trente ans, son président, Louis Laberge, a engagé sa centrale dans un changement important qui consistait à s'impliquer dans le développement, à pactiser avec le monde des entreprises, à faire de l'éducation économique, plutôt que se cantonner dans une logique d'affrontement.

Le Fonds, c'est donc le bébé de la FTQ, et cela a coloré sa culture, assez pour que cela fasse maintenant partie de son identité. Ce lien organique, il fallait le conserver pour que le Fonds reste fidèle à sa mission et, aussi, pour des raisons plus prosaïques, le fait que la FTQ joue un rôle central dans les efforts de souscription à travers la mobilisation syndicale.

La contrepartie, c'est que ces liens organiques ont engendré une culture de club fermé, où l'on a oublié que le Fonds n'était pas seulement redevable à la FTQ, mais aussi à ses actionnaires, aux gouvernements qui ont consenti des avantages fiscaux et aux citoyens qui paient indirectement la note. C'est ce qu'il fallait encadrer.

La FTQ restera sans doute majoritaire au Fonds de solidarité, avec les 7 membres sur 19, et les 4 représentants élus des actionnaires si elle fait efficacement campagne. Mais avec un président extérieur, des comités indépendants qui jouent un rôle important, on arrivera sans doute à atteindre un équilibre.

Si on ajoute à ce projet de réforme le départ du PDG actuel, Yvon Bolduc, qui devient une victime sacrificielle, et l'arrivée d'une nouvelle direction à la FTQ, le Fonds a tout en main pour mettre derrière lui les deniers mois qui furent éprouvants. Il ne manque que l'aval du gouvernement et des partis d'opposition.