Il s'agit d'un nouveau record, à la fois pour le Super Bowl et pour la télévision américaine en général: 111,5 millions de téléspectateurs se sont branchés sur le match de dimanche entre les Seahawks de Seattle et les Broncos de Denver.

Et combien de ceux-là se sont-ils surtout intéressés au désormais célèbre déferlement de publicité qui fait partie de l'événement et qu'on a surnommé le Ad Bowl? Pas loin de la moitié, évaluent divers sondages. Et il est remarquable que, cette année, les médias ont davantage traité des pubs du Super Bowl, une cuvée pourtant jugée assez ordinaire, que du match de football lui-même, considéré plus terne encore.

La publicité attire par et pour elle-même. Le phénomène n'est pas nouveau: on paie volontiers pour voir les pubs lauréates du festival de Cannes, un événement créé en 1954 et qui a plusieurs fois changé de nom. C'est aujourd'hui le Festival de la créativité.

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Outre la créativité, justement, qu'ont en commun l'art et la publicité? La transmission d'un message et l'influence exercée sur la société. Qu'ont-ils de différent? La pub est mercantile alors que l'art ne l'est pas, répond-on généralement.

Mais est-ce si clair?

«L'art, c'est déjà de la publicité», a dit Andy Warhol. Peignant son Jugement dernier sur un mur de la chapelle Sixtine, Michel-Ange n'a-t-il pas mis en images un message, retenu et payé par le Vatican, publicisant l'«offre» de salut éternel de l'Église catholique? C'est une boutade, bien sûr, et il est certes sacrilège de considérer l'admirable fresque sous cet angle! Néanmoins, ce point de vue peut servir à illustrer deux choses.

Un: l'art est toujours commandité, que ce soit par l'État, par des institutions, par des mécènes, par des spéculateurs ou, dans les meilleurs cas, par le public. Et il serait naïf de croire que ces sources sont neutres et désintéressées. L'État a ses préférences et ses «grilles». Le mécène, ses goûts, ses objectifs. Le public contribue à ses conditions, lui aussi. Boutade encore: le pop corn finance le cinéma en salles et il n'est pas sans influence!

Deux: départager ce qui est de l'art et ce qui n'en est pas relève du débat sur le sexe des anges.

En pratique, l'art se fond dans la publicité, l'activisme social, les médias et même la production industrielle. On expose des voitures et des appareils ménagers dans les musées consacrés aux beaux-arts. Les oeuvres de Toulouse-Lautrec ou de Norman Rockwell mélangent allègrement les genres. Salvator Dali est apparu dans des spots publicitaires. Bob Dylan aussi, notamment au dernier Ad Bowl pour le compte de Chrysler. Et cette année marquait le 30e anniversaire de la pub d'inspiration orwellienne tournée pour Apple par Ridley Scott et considérée comme une merveille.

Car, oui, la publicité peut donner de grandes oeuvres, elle aussi, que cela soit ou non reconnu officiellement comme de l'art.