Il y a un certain nombre de règles de gros bon sens dont les politiciens doivent s'inspirer lorsqu'ils développent des politiques publiques, ou qu'ils veulent se lancer dans des réformes.

La première, c'est qu'on ne lance pas une nouvelle réforme quand on n'a pas encore réussi à mener à bien la réforme précédente. Le risque est alors grand que les nouvelles initiatives compromettent le succès de ce qu'on avait déjà entrepris.

La seconde, qui devrait être absolue, c'est qu'on ne lance pas une réforme coûteuse quand on n'a pas d'argent pour la financer.

Ce sont deux règles que le ministre de la Santé et des Services sociaux, le Dr Réjean Hébert, semble oublier. Les efforts qu'il déploie pour mettre sur pied l'assurance autonomie et la prise en charge des aînés risquent d'affaiblir et même de menacer le succès de la grande réforme qu'est le renforcement des services de première ligne.

On ne dira jamais à quel point cette première ligne est essentielle pour que les Québécois puissent avoir un médecin de famille, qu'ils puissent avoir un rendez-vous dans un délai raisonnable, qu'ils aient accès aux soins d'urgence. La première ligne, c'est la base. Et le travail est loin d'être terminé.

Mais le ministre Hébert a d'autres priorités. Coupe-t-il dans cette première ligne pour financer ses propres priorités, ou est-ce que ses décisions reflètent plus simplement le fait que ces services de base ne sont pas dans son radar? Le résultat est le même.

Philippe Couillard a lancé hier une offensive sur le sujet. On devine que le chef libéral aimerait faire de la santé un enjeu électoral, un dossier où il est très crédible et plus à l'aise qu'avec la Charte, et où il décèle sans doute la vulnérabilité du gouvernement Marois. Il dénonce donc des compressions de 500 millions dans le budget de chirurgie des hôpitaux, d'un autre 400 millions dans les des budgets des hôpitaux. Des coupures qui affecteront les services et rallongeront les listes d'attente.

Mais il y a bien d'autres cas où les décisions du ministre Hébert ont des effets pervers. Il y a consensus sur la nécessité d'élargir les responsabilités des pharmaciens pour alléger les pressions sur les médecins et offrir un accès rapide. Mais le dossier bloque sur la rémunération. Le ministre a même eu l'idée absurde de limiter cette réforme aux citoyens couverts par le régime public d'assurance médicaments. Résultat de l'impasse : moins de services.

M. Hébert remet également en cause le projet libéral d'élargir le nombre de chirurgies confiées à des cliniques privées, même si cela se fait dans un cadre public et gratuit. Idéologue, le ministre parle de brèches à refermer. Il veut tout rapatrier dans des hôpitaux, qui ne fournissent pas. Résultat, encore là : plus d'attente et moins de services.

Dans le dossier des groupes de médecine familiale, le ministre veut mettre au pas les GMF qui ne respectent pas leur contrat, par exemple les heures d'ouverture. C'est le cas de 45% d'entre eux, souvent parce qu'il y a une pénurie de médecins. En les punissant financièrement, on crée un cercle vicieux qui réduira encore davantage leur capacité d'élargir leurs activités. Résultat : une baisse de services.

On retrouve le même effet pervers dans une autre bataille du ministre, celle-ci contre les frais accessoires facturés par des médecins. Il y a des abus, qu'il faut contrer. Mais ces frais servent souvent à faire vivre les cliniques ou à élargir leurs prestations. Encore là, le résultat sera une baisse de services.

Il y a un pattern. De l'idéologie, de l'autoritarisme, et une indifférence pour ce qui devrait être au coeur de nos politiques de santé, les services aux patients.