La première ministre du Québec, Pauline Marois, a expliqué hier, devant un parterre de gens d'affaires, l'ambitieuse stratégie économique de son gouvernement. Mme Marois n'a cependant pas soufflé mot du projet de Charte des valeurs, même si celui-ci suscite beaucoup d'inquiétude dans ce milieu.

La première ministre n'a rien dit non plus au sujet de l'indépendance du Québec. C'est moins surprenant, ce projet n'ayant pas le vent dans les voiles ces temps-ci. Non, ce ne sont pas les gens d'affaires de Montréal qui ont entendu parler d'indépendance cette semaine, mais ceux d'Édimbourg. Mercredi, le gouverneur de la Banque d'Angleterre, le Canadien Mark Carney, s'est prudemment avancé sur le terrain miné des conséquences économiques d'une éventuelle séparation de l'Écosse.

En septembre prochain, les Écossais se prononceront par référendum sur l'avenir de leur union avec l'Angleterre. Le parti au pouvoir, le Scottish National Party (SNP), propose qu'une Écosse indépendante conserve la livre sterling comme devise. M. Carney est venu dire aux Écossais que ce choix aurait des conséquences qu'ils ne soupçonnent peut-être pas.

Selon le gouverneur, la crise de l'euro a confirmé que la pérennité de toute union monétaire exige l'existence d'une union bancaire - donc, une seule banque centrale - et de mécanismes fiscaux communs. «Les unions monétaires efficaces ont besoin d'un vaste réseau d'institutions pour appuyer un secteur financier intégré et efficient», a expliqué M. Carney. Un État seul n'aura souvent pas les ressources pour soutenir un secteur financier en déroute. En l'absence d'outils communs pour stopper l'hémorragie, la crise ne pourra que s'étendre et s'aggraver.

Une union monétaire doit aussi disposer d'un système de transferts fiscaux permettant de venir en aide aux régions en difficulté. Elle doit enfin reposer sur une discipline budgétaire commune. «Autrement dit, a conclu Mark Carney, une union monétaire durable et réussie exige que chaque pays cède une partie de sa souveraineté nationale.»

La démonstration du gouverneur de la Banque d'Angleterre frappe au coeur l'argumentaire des indépendantistes québécois: l'idée qu'un Québec indépendant disposerait de «tous les outils» pour gérer son économie. Or, comme le souligne M. Carney, une union monétaire est impossible sans institutions communes. Par conséquent, s'il veut conserver le dollar canadien, un Québec indépendant devra accepter de ne pas avoir le contrôle absolu de ses politiques monétaire, fiscale et économique. Il lui faudra négocier avec le Canada une nouvelle union monétaire. Et rien ne garantit qu'elle sera plus avantageuse pour le Québec que le système en place aujourd'hui. Le contraire est plus probable.

Quoi qu'il en soit, à écouter Mme Marois énumérer hier toutes les mesures prises par son gouvernement, on n'avait pas l'impression que le gouvernement de la province de Québec est en manque d'outils économiques.