Pauline Marois devait être à Zurich samedi pour parler affaires, au terme d'une mission économique de quelques jours en Europe, mais elle a décidé d'annuler cette dernière étape et de rentrer plus tôt au Québec pour se rendre à L'Isle-Verte.

Sage décision, même si 24 heures plus tôt ou plus tard, ça ne changera pas grand-chose.

Après tout, ce n'est pas la première ministre qui fouillera les décombres ou qui les inspectera à la recherche d'indices permettant de déterminer la cause du brasier.

Vrai, mais comme on l'a vu à Lac-Mégantic (où Mme Marois s'était rendue le jour même de la catastrophe), ce qu'on attend de nos dirigeants en pareilles circonstances, c'est de l'empathie, de la détermination, de l'action. Bref, du leadership, ce mot fourre-tout qui signifie être à la bonne place au bon moment pour diriger les opérations en plus de prendre les bonnes décisions et savoir les communiquer à la population.

On se souvient tous du duo Lucien Bouchard-André Caillé durant la crise du verglas de 1998, un autre exemple de leadership réussi.

À l'inverse, d'autres dirigeants politiques ont payé cher leur absence ou leur manque de sang-froid. Pensons, entre autres, à l'ex-maire de Montréal, Jean Doré, qui n'avait pas cru bon de rentrer à Montréal après une grave inondation, ou l'ex-maire de Toronto, Mel Lastman, qui avait littéralement paniqué en direct à la télé, appelant même le renfort de l'armée parce que 30 centimètres de neige étaient tombés sur sa ville!

Dans la catégorie «Panne de leadership», on retrouve aussi George W. Bush, qui avait mis des jours avant de réagir au passage dévastateur de Katrina en Louisiane et qui s'était finalement contenté de survoler la région à bord de son luxueux Air Force One!

Pauline Marois aussi a déjà subi les foudres de l'opposition (et des caricaturistes) en 2000, au moment où elle était ministre de la Santé, parce qu'elle était restée en vacances au Mexique pendant une crise des urgences. «Pauline à la plage», avait titré mon journal en une. Des années plus tard, Pauline Marois m'en avait reparlé, jugeant injuste cette manchette, mais tirant néanmoins des leçons de cette affaire.

Dès les petites heures jeudi (il était près de midi pour elle à Davos), Mme Marois a pris les choses en main, déployant à distance ministres et équipes techniques à L'Isle-Verte. Elle y sera elle-même dimanche pour une première rencontre avec la communauté éprouvée, mais elle ne sera pas la seule. Un véritable défilé d'élus s'est mis en route vers la petite municipalité.

Cet empressement à être parmi les premiers sur place est un peu futile, voire contre-productif, mais dans l'ensemble, on ne peut pas reprocher aux élus de faire preuve d'empathie.

J'ai toutefois sursauté, jeudi après-midi, en entendant la ministre Agnès Maltais affirmer que son gouvernement n'hésitera pas une seconde à agir et à imposer de nouvelles normes si on détermine que l'absence de gicleurs dans la partie ravagée est en cause. Encore une fois, la cavalerie arrive après la bataille.

Cela fait des années que des rapports recommandant l'installation de gicleurs dans de tels établissements dorment sur les tablettes du gouvernement (péquiste et libéral) à Québec. La mesure est obligatoire en Ontario et en Colombie-Britannique. Je ne dis pas que des gicleurs auraient sauvé ces malheureux, mais si tous les spécialistes du domaine réclament leur installation généralisée, il doit bien y avoir une raison, non?

Le propre ministre de la Santé de ce gouvernement, Réjean Hébert, disait il y a un an que nous ne devrions pas attendre un drame avant d'agir!

Ce constat s'applique à d'autres catastrophes. Avant Lac-Mégantic, nous avons aussi entendu des cris d'alarme concernant l'augmentation vertigineuse du nombre de wagons de marchandises dangereuses sur les rails du pays et la proximité inquiétante de ces convois avec des zones urbaines densément peuplées. Avant la tragédie aux Éboulements, où un autocar avait plongé dans un précipice, entraînant la mort de 44 personnes en 1997, des voix s'élevaient pour dire que cette pente meurtrière devait être corrigée, et d'autres critiquaient l'entretien parfois déficient de ces véhicules et l'absence de ceintures de sécurité à bord.

On ne peut évidemment pas demander à nos gouvernements de nous garantir la protection absolue contre tout accident, mais on ne peut non plus accepter de s'en remettre docilement à la fatalité lorsque des solutions existent.

Un tremblement de terre, un tsunami, une tornade, c'est la fatalité. Installer des gicleurs, c'est de la mécanique.

Allez faire une promenade dans votre quartier et portez attention à tous ces bâtiments où on affiche «Résidence pour personnes âgées autonomes et semi-autonomes». Ces immeubles sont tous conformes aux normes, vous croyez? Douteux. (Ce qui n'était apparemment pas le cas de la Résidence du Havre, bien tenue).

À Québec, on se préoccupe de sécurité et de certification des résidences pour personnes âgées depuis des décennies. Je me souviens, à mes débuts à la tribune de l'Assemblée nationale il y a 20 ans, d'un certain Jean Rochon, ministre de la Santé sous Jacques Parizeau, qui s'en préoccupait déjà... Qu'a-t-on réellement fait depuis? Qu'est-ce qui bloque? Trop chères, les mesures de sécurité et les mises aux normes? Trop cher d'avoir plus de préposés, surtout la nuit? Trop de vieux, pas assez d'endroits pour les loger?

On vient de passer des mois, à Québec, à débattre d'un projet appelé «Mourir dans la dignité». Très bien. On devrait peut-être aussi s'inquiéter de ces gens qu'on laisse, parfois, mourir dans le laisser-aller.