Dans une entrevue à RDI, Jacques Parizeau a affirmé qu'il fallait arrêter de se faire peur avec la situation financière du Québec. Nous sommes désespérément normaux en ce qui a trait au déficit et à la dette, dit-il, ajoutant qu'«on s'en fait trop».

Faut-il s'en étonner? Ce n'est pas la première fois que le politicien et économiste minimise le problème de la dette et du déficit. C'est même chez lui un thème récurrent.

Ses propos sont le prolongement de ce qu'il a fait et prôné tout au long de sa carrière. Ils reflètent la culture dominante d'il y a une quarantaine d'années, à l'époque où il a enseigné et où il avait charge des finances publiques du Québec. Ils servent aussi à défendre son propre bilan comme ministre des Finances ou premier ministre.

Tout au long de son impressionnante carrière, M. Parizeau a manifesté une certaine indifférence à l'égard des questions de la dette et du déficit. On le voit entre autres dans les huit budgets qu'il a déposés, ceux de 1977-1978 à 1984-1985. Retournons en arrière.

À son arrivée au pouvoir, en 1976, le gouvernement Lévesque héritait d'une situation budgétaire inquiétante, un déficit qui, pour la première fois, dépassait le cap du milliard. Le nouveau ministre, soucieux de rigueur budgétaire, voulait «siffler la fin de la récréation».

Dans son premier budget, en 1977-1978, M. Parizeau y est brièvement parvenu, en ramenant le déficit à 899 millions. Mais par la suite, ce fut l'explosion. 1,4 milliard en 1978-1979, 1,8 milliard en 1979-1980, 2,9 milliards en 1980-1981 et 1981-1982, 3 milliards en 1982-1983, et 3,1 milliards en 1983-1984 et 1984-1985.

C'étaient de très gros déficits. Quand on tient compte de la taille de l'économie et de l'inflation, un déficit de 3 milliards d'il y a trente ans équivaut à un déficit de 13,5 milliards aujourd'hui! C'est colossal.

Quant à la dette brute, elle était de 7,7 milliards, soit 14,6% du PIB, quand il est devenu ministre des Finances. Elle était passée à 27,9 milliards, soit 27,9% du PIB, quand il a quitté ses fonctions sept ans plus tard. La dette avait quadruplé en taille et doublé en poids par rapport à l'économie.

Il faut évidemment tenir compte du contexte de l'époque, où l'inflation était très forte, de 10 à 12% par année, où les dépenses et les revenus explosaient d'autant, une période où il y avait encore de l'espace fiscal, où la croissance des dépenses reflétait aussi le fait que l'État élargissait encore son rôle. C'était surtout une époque où on n'imaginait pas à quel point il serait difficile et douloureux de donner un coup de barre pour contrôler les finances publiques.

Ce coup de barre, ce n'est pas M. Parizeau qui l'a donné quand il est devenu premier ministre en 1994. C'est son successeur, Lucien Bouchard, avec son ministre des Finances Bernard Landry, qui, en 1996, s'engage à ramener le déficit à zéro pour l'an 2000.

Et qu'a fait M. Parizeau? Dans une lettre assassine, il a dénoncé les efforts d'élimination du déficit de son successeur. Il estimait qu'il fallait plutôt se limiter à éliminer le déficit engendré par des dépenses courantes. Ce qu'on peut lui reprocher, c'est de ne pas avoir reconnu que, sans discipline, sans objectifs très ambitieux, sans ce qu'il qualifie de «dogme», il est impossible de contrôler les finances publiques, comme sa feuille de route le démontre amplement.

Et qu'a fait M. Parizeau quand le gouvernement Marois a voulu poursuivre la route vers le déficit zéro? Il a dénoncé encore une fois l'objectif. Et que fait-il maintenant qu'on s'en éloigne? Il en minimise les conséquences. L'histoire se répète. M. Parizeau aussi.