Il fut un temps où Montréal avait un champion de boxe très respectable qu'il ne connaissait pas. Otis Grant n'a jamais combattu chez lui avant la toute fin de sa carrière, alors que ses talents étaient largement diminués.

Otis était noir. Il l'est toujours, un parfait gentleman, un exemple pour la jeunesse, mais on ne vendait pas de billets avec un Noir à cette époque. Montréal était comme ça.

Le promoteur Régis Lévesque l'avait bien compris, lui qui offrait des duels entre francos et anglos, entre Québécois et Montréalais, avec quelques Italiens dans le paysage, dont un faux, Eddie Melo, qui était portugais.

Aujourd'hui, nous avons deux supervedettes noires à Montréal, Adonis Stevenson et Jean Pascal, et elles attirent des foules. Et nous allons nous offrir un combat «local», comme autrefois.

Le 18 janvier, le Centre Bell risque d'être plein pour un affrontement qui passionne Montréal, le Québec, et personne d'autre.

Bute-Pascal, enfin. Un Montréalais d'origine roumaine et un autre d'origine haïtienne. Le buzz va augmenter.

Montréal a bien changé. Il a ouvert ses horizons, on dirait.

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Bute sera le favori de la foule, mais il est le négligé chez les experts. Légèrement négligé, mais pas favori malgré sa grande popularité.

Il n'y avait pas consensus hier parmi les anciens boxeurs, entraîneurs et sérieux amateurs présents à l'entraînement de Lucian Bute.

Nous savons tous que Jean Pascal, un homme au physique d'adonis, tentera de refaire à Bute le coup de Carl Froch. Bref, une attaque en règle dès le premier son de cloche. «Bute devra d'abord survivre aux trois premiers rounds», disent les connaisseurs.

Contre Froch, rappelez-vous, notre homme avait complètement perdu ses moyens dès le premier round. Dans le milieu, on se demande toujours s'il est remis de cette défaite. On se demande aussi s'il a cet instinct de tueur qui sépare les grands boxeurs des autres. Trop gentleman pour ce sport de brute, Lucian Bute?

Réponse le 18 janvier.

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Pour un promoteur, le scénario est idéal. Un styliste contre un taureau. Mais aussi deux personnalités à l'opposé l'une de l'autre.

Bute le citoyen modèle, qui n'a jamais fait de gaffe à l'extérieur du ring, qui gère bien ses revenus et qui pense à son avenir, qui a appris le français en un temps record. Le gendre idéal, quoi.

Devant lui, nous aurons le flamboyant Jean Pascal, bon vivant qui profite des privilèges que sa notoriété lui offre, un athlète au physique avantageux qui n'est pas porté sur la discipline, un homme qui a tendance à gaffer et à s'excuser après.

«Beaucoup de spectateurs vont espérer que Bute lui ferme la gueule une fois pour toutes», a prédit un entraîneur de boxe, hier.

Pour un promoteur, l'important, c'est que le plus de gens possible fassent de ce combat une affaire personnelle, même si le reste de la planète boxe regardera d'un oeil un peu indifférent.

Régis Lévesque avait compris beaucoup de choses en organisant ses combats dits locaux.

Récapitulons.

Bute a-t-il l'âme d'un guerrier? Pascal se présentera-t-il en parfaite condition physique?

À l'entraînement, hier, nous avons revu le Lucian Bute des beaux jours, maniaque d'entraînement, technicien impeccable, un homme qui regarde des combats de boxe dans ses temps libres et prend des notes.

Nous aurons bientôt une journée Jean Pascal. Celui-là a déjà admis qu'il ne regardait pas tellement de films de combats, même pas ceux de son adversaire, parce qu'il préfère imposer son rythme sans se soucier d'un plan de match. Ça ne l'a pas toujours bien servi.

Lucian Bute amincit à mesure que le combat approche. Jean Pascal est une montagne de muscles, la nature l'a gâté.

Au fait, quelle est votre prédiction?

On met un p'tit deux là-dessus? Un cinq?

Vous êtes fous...